Hier, nous sommes allés avec Charlotte nous promener du côté de l'abbaye de Fontevraud (dans le 49), pour aller visiter l'exposition "Mondes et Merveilles du dessin animé: Grimault, Takahata, Miyasaki". Nous connaissions déjà l'abbaye, que nous visitons à peu près à chaque fois que nous accueillons des amis, venus de Paris ou d'ailleurs pour visiter la Touraine. C'est un monument d'autant plus incontournable de la région Anjou-Touraine qu'il est le lieu d'une programmation culturelle très ambitieuse pour une institution située à l'écart des grands centres urbains, à la limite entre deux départements et deux régions.
L'exposition "Grimault, Takahata, Miyazaki" est ambitieuse, donc. J'ai malheureusement eu l'impression que Fontevraud n'avait pas eu les moyens de son ambition, surtout du côté de la scénographie, qui est un peu chaotique, où deux films sont projetés, avec leurs bandes-son respectives, à deux mètres de distance, ce qui rend difficile la concentration dans une pièce où tout est juxtaposé dans une scénographie "moderne" visiblement peu maitrisée. Le fait de tout rassembler dans une seule pièce, le grand dortoir, participe à l'impression de confusion générale.
Grimault a influencé les animateurs japonais sous trois aspects. D'abord, l'aspect technique: animation très fluide, très souple, innovations sans précédent comme des changements de point de vue brusques qui donnent l'impression de mouvements de caméra, etc. Ensuite, l'aspect "créatif", disons: ils ont été fascinés par l'imagination débordante de Paul Grimault, qui avec Jacques Prévert a développé un univers à la fois baroque et intemporel, dans lequel les inventivités visuelles sont innombrables. Enfin, l'aspect thématique: même imaginaire pacifiste, même engagement humaniste contre les horreurs de la guerre (comparaison possible avec Le Tombeau des lucioles de Takahata, notamment), alors que les dessins animés de la même période (années 1940-1970), aux États-Unis surtout, relevaient souvent du pur divertissement.
On retrouve chez Miyazaki des machines volantes qui semblent directement tirées de l'imaginaire vertical du Roi et l'Oiseau. C'est le mérite de l'exposition que de le montrer assez clairement. On regrette néanmoins que certains points n'aient pas été davantage approfondis: faire remonter par exemple le robot de Miyazaki dans Le Château dans le ciel à celui du Roi et l'Oiseau, et ce dernier à celui du Metropolis de Fritz Lang... avec le même imaginaire de la cité verticale, qui caractérise une bonne partie de l'imaginaire de la ville au XXe siècle. Ou bien la réutilisation des contes et légendes, que ce soit chez Grimault avec les contes d'Andersen, ou chez Miyazaki avec Nausicaa, figure tirée de la mythologie homérique, ou encore avec l'archétype au fonctionnement légendaire de la femme sauvage élevée avec les loups, dans Princesse Mononoké.
Il est vrai que ce dernier sujet est vaste, dans la mesure où une immense partie de la production des dessins animés est consacrée à l'adaptation de vieux contes ou à la création de nouvelles légendes. Et puis, on ne peut pas tout dire en une seule exposition, celle-ci était suffisamment surchargée. Beaucoup reste à faire dans le domaine de l'histoire de l'animation: il faut remercier l'abbaye de Fontevraud pour avoir accueilli une exposition qui en dévoile un petit mais essentiel fragment.