Le dernier tram

Publié le 11 août 2008 par Alain Hubler

Alors que le m2 va bientôt embarquer ses premiers passagers, un petit retour en arrière s’impose. C’était il y a presque quarante-cinq ans, Lausanne disait adieux à son dernier tramway. Un tram de la ligne n° 7.

Voici une extrait du livre Les tramways lausannois 1896-1964 (ISBN 2-88 125-000-9) qui rapporte les faits de l’époque.

Les impératifs routiers liés à l’Exposition nationale suisse de 1964 exigeaient l’aménagement des principales artères de la ville. Le tramway n’avait plus sa place dans l’intense trafic qu’allait engendrer cette manifestation durant près de six mois. La dernière ligne de tram fut donc victime de l’Expo.

Primitivement prévue pour le 4 décembre 1963 déjà, la dernière course eut lieu le lundi 6 janvier 1964, jour des Rois.

Pour la chronique, signalons qu’une cérémonie officielle marqua l’après-midi du 6 janvier 1964, en présence des autorités communales intéressées et des représentants des Tramways Lausannois. Il y eut des discours et la fanfare de la compagnie interpréta différents morceaux. La dernière course officielle quitta La Rosiaz à 16 h 09. Elle était assurée par la motrice N° 171 (construite en 1932) tractant la remorque N° 127 (1931), toutes deux bondées. Une foule considérable assistait à l’événement le long du parcours. Le conducteur (M. Gaillard) et le contrôleur (M. Mercier) avaient revêtu des uniformes historiques des débuts de l’exploitation. Un public nombreux s’était massé sur Saint-François pour y accueillir les deux voitures ornées de fanions et de banderoles. «On n’a jamais vu ça!» répétait-on à la vue d’une telle foule …

Et c’est ainsi que Lausanne dit adieu à ses trams. Pour l’anecdote, la toute dernière course quitta La Rosiaz à 19 h 37. La motrice 171 et la remorque 127 n’eurent plus qu’à regagner le dépôt une dernière fois (Prélaz dépôt, arr. 19 h 58 selon l’horaire). C’était la fin d’une ère qui avait duré soixante-sept ans, quatre mois et vingt jours. Les Tramways Lausannois avaient vécu.

Les réactions du public à cette disparition furent diverses. Interrogée au micro de la Radio Romande, une ménagère affirma préférer les trams, le trolleybus étant «plus anonyme». Dans l’ensemble, la population regrettait un élément quasi «folklorique» de la vie locale. Un lecteur de la Feuille d’Avis releva, non sans nostalgie, que certains pays avaient mieux compris le rôle du tramway.

C’est presque sans s’en rendre compte que Lausanne fut donc amenée à renoncer aux services de ses tramways. On n’entend plus le fracas du 7 dévalant l’avenue de Béthusy, on ne voit plus le tram du Jorat monter le Bugnon, on a perdu l’habitude des coups de sonnette à Saint-François, du sable projeté dans les rails, des voyageurs de midi entassés jusque sur les marchepieds …

Le tramway, symbole d’une époque ? Pourquoi pas ? Une époque heureuse, où, selon la formule, on savait prendre le temps de vivre …