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Imbroglio juridique autour d'un père japonais et d'un bébé né de mère porteuse en Inde
Publié le 11 août 2008 par MoushetteImbroglio juridique autour d'un père japonais et d'un bébé né de mère porteuse en Inde le 8/8/2008 à 11h30 par Harold Thibault (Aujourd'hui le Japon)
La situation de Manji et de son père japonais émeuvent l'opinion indienne. Née d'une mère porteuse, elle ne peut pas être adoptée en droit indien par son père seul.
Ikufumi Yamada est japonais. Lui et Yuki, qui était alors son épouse, ont signé, en novembre dernier, un accord de mère porteuse avec une femme indienne. Après insémination artificielle, la mère porterait l'enfant, dont le couple japonais aurait la parenté à la naissance. Manji est née le 25 juillet dernier en Inde, dans l'Etat du Gujarat.
En Inde, les accords de mère porteuse contre rémunération sont tolérés. Juridiquement, les parents doivent adopter l'enfant. Mais entre deux, le couple a divorcé et Yuki, l'ex-femme de M. Yamada ne souhaite plus adopter. Ikufumi Yamada lui veut exercer pleinement son rôle de père.
Mais en tant qu'homme seul, le droit indien lui interdit d'adopter un enfant. Il ne peut donc pas être reconnu comme le père de Manji et l'emmener au Japon comme il l'avait prévu.
La mère porteuse, elle, qui n'a jamais souhaité prendre en charge le nouveau-né l'a abandonné. L'enfant a été amenée dans un hôpital de Jaipur, au Rajasthan, après que des attentats ait secoué le Gujarat où Manji est née. Depuis, c'est Emiko, la mère de M. Yamada, , qui est présente auprès de Manji à l'hôpital. Shweta et Kamal Vijaywarghia, des amis de M. Yamada dont l'enfant est né à un jour de différence de Manji veillent également sur elle.
La parenté de l'enfant - de nationalité indienne pour le moment - reste donc dans une impasse juridique, comme l'explique Sanjay Arya, le directeur de l'hôpital de Jaipur. "Lorsqu'un enfant a 50% du patrimoine génétique de son père, comment se fait-il qu'il doive être adopté par celui qui est son père naturel ?" s'interroge-t-il. Selon M. Arya, Manji est en bonne santé, mais sa grand-mère devient très émotive lorsqu'on lui dit que l'enfant ne peut pas être emmené au Japon.
La ville d'Anand au Gujarat, où est née Manji, est récemment devenue un centre international pour l'insémination de mères porteuses. Ces femmes, qui acceptent de porter l'enfant d'autrui le font contre rétribution, souvent pour subvenir aux besoins de leur propre famille. Cette situation a été tolérée par le gouvernement, pourtant assez conservateur au sujet des relations familiales.
Mais le cas de Manji met en avant les lacunes juridiques actuelles de l'Inde pour les enfants nés de mères porteuses . "Alors que l'Inde émerge comme destination pour les grossesses par mère porteuse, une loi devra être mise en place", a expliqué l'avocate Indira Jaising au journal Indian Express.
Le cas paradoxal de Manji, qui ne peut pas être adoptée par son propre père et reste bloquée en Inde fait parler d'elle dans la presse indienne, et commence aussi à émouvoir au Japon.
Le quotidien anglophone Times of India a récemment titré : " Conçue au Japon, bloquée en Inde" et souligné que si la situation n'évoluait pas, Manji pourrait devenir le premier enfant orphelin né de mère porteuse.
LES COMMENTAIRES (1)
posté le 13 août à 18:43
Quelques précisions sur un cas de GPA dont on nous rebat les oreilles en ce moment (Le Monde du 4 août) et qui s’est passé en Inde : un couple de Japonais ayant fait appel à la GPA en Inde et qui a divorcé avant la naissance de l’enfant. La mère intentionnelle ne voudrait plus de l’enfant mais le papa veut le récupérer mais ça pose des problèmes car la loi indienne ne prévoit pas qu’un homme célibataire puisse avoir recours à la GPA… et certains journalistes glosent sur le fait que l’Inde c’est comme la France (ou plutôt le contraire) et que si on l’autorise ici ça sera la même chose… Tout ceci est faux, évidemment, et montre une fois de plus à quel point les journalistes ne font pas toujours leur travail d’investigation (surtout quand ils sont contre la GPA) et veulent faire dans le sensationnel (pour « faire peur ») et tenter d’influencer les politiques qui auront à prendre les décisions.
Or, si l’on regarde de plus près les choses (ce que nous, nous avons fait) voilà la réalité :
Il ne s’agit aucunement d’adoption. Le père japonais a obtenu un certificat de naissance pour l'enfant qui indique qu'il est le père légal. Aucun nom n'est mentionné pour la mère. http://www.expressindia.com/latest-news/Birth-certificate-gets-surrogate-girl-a-father-nationality-may-follow-later/346989/ Le projet de loi indien existe depuis 2006 sous forme d’une charte: "Guidelines for ART in India Chapter_3" http://claradoc.gpa.free.fr/doc/56.pdf Il est appliqué dans la plupart des cliniques, mais ne représente pas d'obligation légale. Il précise que les certificats de naissance sont établis au nom des parents génétiques. C'est sur la base de cette charte qu'a été établi le certificat de naissance de l’enfant.
Plusieurs affirmations dans les articles du « Monde » sur ce sujet sont inexactes :
Les ovules qui ont servis à la Fécondation In Vitro proviennent d'une donneuse, pas de la mère d'intention japonaise. Son identité n'est pas connue des autorités indiennes, mais ce n'est pas la mère porteuse non plus. Ceci explique une partie de la difficulté à établir l'état civil de l'enfant, la charte prévoyant en effet de mettre la mère génétique comme mère légale.
D’autre part, il n'y a pas 3000 maternités qui offrent les services de mère porteuse en Inde. Une maternité est un lieu où on accouche, pas un lieu où l’on pratique la Fécondation In Vitro. La FIV est pratiquée dans une clinique ou un service hospitalier de la reproduction, et sachant qu'il y en a moins de 300 aux USA, on a bien du mal à croire que dans un pays où le revenu médian n'est qu'une maigre fraction de celui des Américains, il y ait autant de FIV.
Autre point, la GPA n’est pas illégale au Japon, elle a été seulement condamnée par l’ordre des médecins japonais. L’association CLARA a eu d’ailleurs l’occasion de travailler avec une étudiante japonaise qui faisait une thèse sur le sujet.
Au final, on se demande bien pourquoi tant d'attention sur quelques cas qui se passent à l'autre bout du monde. Et la question la plus intéressante à se poser est : est-ce que le projet de loi esquissé par le groupe de travail du Sénat pourrait empêcher ce type de situation de flou de filiation ? La réponse est oui. On peut même penser que les évaluations psychologiques prévues dans le parcours d'agrément auraient mis à jour les causes de la situation qui a mené au divorce du couple japonais. Dommage que ce point n'ait pas été abordé dans ces articles.