Un grand chef est en train d’éclore
La Laiterie est une longue histoire qui démarre au début du XXème siècle et qui se poursuit aujourd’hui avec l’arrivée récente d’un chef plein d’avenir.
Au commencement était une vraie laiterie, une ferme qui fournissait en lait, œufs, et autres bonnes choses le voisinage alentour. A proximité, un hippodrome attirait nombre d’amateurs de chevaux et autres joueurs. L’idée de désaltérer et de nourrir tout ce beau monde naquit et prit forme avec succès. Le débit devint auberge et… le resta. La famille le développa et les descendants aussi, ainsi la petite auberge devint un restaurant.
Dans la deuxième partie du siècle, il passa de mains en mains et tomba un jour dans les mains de la famille Chouteau qui le gardèrent un temps avant de partir en ouvrir un autre en Bretagne où naquit notre futur chef Olivier. Autant dire qu’il grandit dans les casseroles et les bonnes odeurs qui lui donnèrent envie de se lancer dans l’aventure culinaire.
Un beau parcours pour le jeune homme qui commence à 14 ans à l’Amphitryon en Bretagne, puis arrive chez Eric Fréchon au Bristol à 17 ans et y demeure deux ans. Un petit tour au Bistrot Paul Bert les week ends, un stage chez Alain Passard, et il atterrit chez le chef qui le marquera le plus : Pierre Gagnaire. Il passe à Courchevel, au Gaya, et enfin au Balzac. Une expérience de vie et de travail inoubliable.
Il s’installe à La Laiterie il y a deux ans et retrouve la maison de ses parents. Ironie du sort et un destin qui se dessine.
Dans la proche banlieue de Lille, le restaurant offre un espace agréable, avec de grandes baies vitrées donnant sur le jardin et le potager, avec même deux poules dans leur poulailler ! Terrasse superbe au calme, bref tout pour plaire. Accueil impeccable et service de même, efficace mais détendu et proche du client, habitués ou pas. Une ambiance agréable et conviviale se dégage de l’ensemble et l’on se met à table, parfaitement dressée, avec plaisir.
Un amuse-bouche aussi remarquable que local : Flamiche au Pavé de Cassel (fromage à pâte pressée, lait cru de la vache Rouge Flamande) servie tiède, et addictive.
Par contre, le beurre aux herbes « maison » est un peu trop « crémeux » et très « herbes », qui annihilent le goût de beurre.
Le chef travaille sur plusieurs menus dont un très avantageux menu déjeuner mais le Menu Terre & Mer est sans doute le plus représentatif de sa créativité et de son talent. Six plats qui définissent à chaque étape les idées du chef pour marier au mieux les produits de la terre et les richesses de la mer. Une alliance que l’on connait depuis les années 1980 mais l’idée du chef est de mettre ce mariage dans des assiettes différentes, chacune contribuant ainsi au mariage de l’ensemble. Du grand art.
Les plus représentatifs et les plus réussis sont étonnants de richesse de saveurs et d’harmonie des goûts et des textures. Exemple.
« Iode ». Trois assiettes en variation sur l’iode. Exceptionnelle asperges blanches, blettes, algues, spriruline et beurre blanc (magnifique !). Puis, huître, cochon, caviar, en harmonie sauvage et puissante. Enfin, étonnant œuf au pluriel, variation des textures de l’œuf sous différentes formes. Remarquablement conçu et réalisé.
Deux assiettes, l’une avec une Raviole croustillante farcie des champignons (de Sylvain), crevettes grises, et seiche dans un bouillon de crevettes. Puis, une assiette de foie gras en mousse, hareng, oignons, et pain brulé. Contraste passionnant jouant sur la douceur et la force.
Un pré-dessert de folie, sur le lait : en mousse, confiture, glace, pour un génial coup de fraicheur avant d’aborder le petit chef d’œuvre du chef pâtissier Benjamin Caunois.
Le chocolat Encuentro de Madagascar en tartelette tiède, textures de cacao et sorbet chocolat. Subtil, savoureux et… parfait !
Il y a aussi le « Craquant », bœuf, haddock, thon rouge et boudin. Le Turbot de Roscoff, asperges vertes et andouille. Le Pigeon des Flandres, langoustine et petits pois. Des merveilles à ne pas manquer.
Remarquable carte des vins, sur de nombreux terroirs, vins étrangers, des magnums, en une très bonne sélection de vignerons.
Edouard Chouteau a été à (fort) bonne école, cotoyant une belle lignée de grands chefs, et il en a gardé l’esprit d’originalité et une bonne technique de travail avec un sens de l’esthétique des assiettes. Ce travailleur acharné, passionné de et par son métier, a mis son imagination au pouvoir et le résultat est plus que prometteur. Chez ce chef, il y a du Gagnaire, avec une pointe de Christophe Pelé, et un zeste d’Eric Fréchon. Pas mal pour un seul homme !
Ses assiettes sont pures et nettes, savoureuses et belles, parfois un peu neutres en goût, mais toujours passionnantes. Un chef à suivre et à aimer..
La Laiterie
138, avenue de l’Hippodrome
59130 Lambersat
Tél. +33 (0)3 20 92 79 73
[email protected]
Fermé dimanche soir, lundi & mardi.
Menu Déjeuner : 39 € (4 plats)
Menu Esprit Végétal : 75 € (4 thèmes)
Menu Homard Bleu du Cotentin : 150 €
Menu Terre & Mer : 115 € (7 thèmes)
Vins au verre (9) : de 8 € à 20 €
Ma sélection : Jurançon sec, Domaine Charles Hours, cuvée La petite Hours, blanc, 100% gros manseng