ON SE RÉVEILLE POUR FAIRE FACE AU JOUR NOUVEAU, VOILÀ TOUT
Il espérait, oui, il espérait servir encore.
Il espérait qu’il lui serait donné de faire son temps, tout son temps. Il espérait pouvoir goûter l’expérience de la vieillesse et, le moment venu, dire « au revoir tout le monde » avant de radicalement tourner le dos à cette existence au final tant aimée, pour s’éveiller du rêve de la vie, bien réel tant qu’il se déploie, évaporé dès qu’il cesse.
De plus en plus, quasiment chaque nuit, une lucidité s’invitait en ses songes, l’amenant, alors même qu’il sommeillait toujours, à laisser de côté les situations à résoudre dont il percevait qu’elles n’existeraient que le temps du rêve et se dissiperaient avec lui.
C’était dorénavant à peu près ainsi qu’il envisageait ce qu’ils appelaient « la mort » : une transition, fût-ce vers un « néant » - mais pour concevoir le néant il fallait bien quelque chose et quelqu’un, et aussi ce qu’ils appelaient « la vie » : il s’agissait de vivre, pleinement, complètement, sans réserve ni protection, tous les épisodes, situations, rebondissements, de les goûter à plein sens pour, venu le moment, mais juste à ce moment-là et pas avant même s’il y avait détachement progressif, s’en désintéresser radicalement et à jamais. Sans reniement aucun.
Pourquoi renier ses rêves de la nuit ? On se réveille pour faire face au jour nouveau, voilà tout.
Gilles Farcet
extrait du livre "La réalité est un concept à géométrie variable"
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