Julia Mattera emploie une formule élégante pour dire que les pensionnaires soient proches du grand départ (p. 186). Mais elle nous montre qu’ils sont nombreux à avoir encore suffisamment de vitalité pour se faire plaisir à exercer une activité sportive, tomber amoureux, et surtout apprécier les bons petits plats originaux de Momo, la cuisinière aux origines antillaises.J’ai apprécié ce récit qui prend des allures de journal de bord où les voix se répondent. On est alternativement dans le cerveau de chacun des personnages principaux dont on partage les inquiétudes et les espoirs. Aucun ne prend le pas sur les autres. Par contre les caractères sont bien tranchés. C’est un roman résolument positif pour nous convaincre qu’il n’y a pas d’âge pour renouer avec les principes de vie et en retrouver le goût. Et même envisager de se remettre en couple, sous le regard bienveillant de ses grands enfants.Ancien champion de natation, Oscar pensait agir pour le bonheur des siens. Toute son énergie était tournée vers sa réussite afin de les mettre à l’abri du besoin. Mais lorsque sa femme le quitte, lasse de ses absences, et de sa fuite face à la réalité, il se laisse sombrer, s’éloignant de son fils, de sa famille et de ses racines. C’était compter sans la détermination de sa tante Mimi qui prend toujours les problèmes à bras le corps, et surtout de sa mère, Zette, qui décide d’élaborer un stratagème pour le faire revenir dans sa région natale et, surtout, le sortir de sa coquille et de son train-train quotidien. Qui aurait pu prévoir qu’en devenant professeur d’aquagym dans une maison de retraite Oscar apprendrait à être heureux ?
J’ai aimé les descriptions et le lexique alsacien qui m’a replongée dans le particularisme réégional d’une Alsace où j’ai passé quelques années. J’ai utilisé une des assiettes transmises pa ma grand-mère pour faire la photo qui illustre cet article. Elle fait partie de la série emblématique lancée en 1904, par la Faïencerie de Sarreguimes sous le nom d’Obernai, et conçue par le dessinateur et aquarelliste alsacien Henri Loux. Ses plats et assiettes représentent surtout des scènes de la vie campagnarde et sont connus dans le monde entier.Le seul reproche qu’on pourrait faire à l’auteure est de nous faire saliver à longueur de pages en citant une multitude de spécialités culinaires sans daigner nous en donner les recettes, à l’inverse par exemple d’Une soupe à la grenade. Il est vrai que, sortis de leur contexte, les plats emblématiques de la cuisine alsacienne n’auraient sans doute pas la même saveur. J’ avais oublié combien la bonne chère compte en Alsace.Julia Mattera a raison de souligner la détresse du grand âge face à la désertion de la jeunesse. On a beau nous parler sans cesse d’actions intergénérationnelles, elles sont rarement effectives, et a fortiori au quotidien. C’est la musique d’un jeune homme qui a donné son titre à l’ouvrage. Quand Zette invoque le Syndrome du djembé magique (p. 166) Thérèse la corrige en précisant plutôt celui de la brasse coulée.Les actions entreprises par Oscar et Momo sont simples, peu coûteuses, mais efficaces. Prima ! (Autrement dit Bravo en alsacien).Alsacienne dans l’âme, Julia Mattera a grandi à Mulhouse au sein d’une famille nombreuse. Menant une vie simple avec des parents ouvriers, elle se passionne très tôt pour la lecture et l’écriture. Elle rédige son premier roman à douze ans. Une fois obtenue une licence en lettres modernes, elle commence sa carrière comme libraire avant de se consacrer exclusivement à des cours de Littérature à domicile afin d’avoir davantage de temps pour écrire. De 2012 à 2020, elle publie sous divers pseudonymes des ouvrages historiques et fantastiques mais c’est sous son patronyme que parait Le Fermier qui parlait aux carottes et aux étoiles, qui a été sélectionné dans la sélection 2222 du prix du Lys du Forum du livre de Saint-Louis. Elle y exprimait déjà son amour pour sa région et la nature, la gastronomie et une vision positive des relations humaines. On peut donc dire que Le Syndrome s’inscrit dans une continuité.
Magazine Culture
Le titre est fantaisiste mais en fin de compte judicieux. Le Syndrome de la brasse coulée nous immerge en douceur dans l’ambiance d’une maison de retraite, bien loin des reproches que l’on fait en ce moment à ces établissements.