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Un cornard à voir

Publié le 18 mai 2022 par Morduedetheatre @_MDT_
Un cornard à voir

Critique du Montespan, de Jean Teulé, vu le 12 mai 2022 au Théâtre de la Huchette
Avec Salomé Villiers, Simon Larvaron et Michaël Hirsch, mis en scène par Etienne Launay

Ça fait maintenant plusieurs années que je suis Michaël Hirsch dans ses seuls en scène, et lorsque j’ai appris qu’il troquait son costume d’humoriste pour un costume d’époque, j’ai été à la fois surprise et curieuse. Je n’étais pas retournée à la Huchette depuis des années et ce Montespan semblait le spectacle rêvé pour renouer avec la salle.

« Le cocu le plus célèbre de France », j’avoue que je ne le connaissais pas. Louis-Henri de Pardaillan, marquis de Montespan, rencontre Françoise de Rochechouart au début de la pièce. C’est le coup de foudre, ils se marient et font des enfants. Mais ils ne vivent pas heureux comme dans un conte, car les dettes du Montespan s’accumulent et il part faire la guerre pour tenter d’y remédier, laissant sa femme seule au logis. Fascinée par la cour, elle finit pas y être introduite mais plus avant que ce qui était prévu, et la voilà devenu favorite du Roi Louis XIV, faisant de son mari, un cocu tristement célèbre. Mais ce dernier ne s’avoue pas vaincu et tentera tout ce qui est en son pouvoir pour récupérer celle qu’il aime.

J’avais presque oublié ce que c’est que de jouer à la Huchette. Monter une pièce est une succession de contraintes, mais créer un spectacle dans ce lieu en rajoute une supplémentaire. C’est un exercice à part entière, qui ne permet aucune espèce de triche. On est si près de la scène, si près des coulisses, que la moindre erreur se ressent jusque dans le fond de la salle. Et, au contraire, devant un spectacle maîtrisé comme celui-ci, on rentre dans le spectacle à la vitesse de la lumière et on vit l’histoire au côté des personnages. C’est un bel écrin pour un joli conte comme le Montespan.

Un cornard à voir
© Fabienne Rappeneau

Etienne Launay a joué avec les règles du lieu et il a tout gagné. Sa mise en scène est très soignée, utilisant intelligemment le petit espace qui lui est offert. Le décor, très élégant, fait de dessins entremêlés permettant l’apparition de différentes images selon la lumière, joue un grand rôle dans l’évolution des atmosphères. L’adaptation de Salomé Villiers est une grande réussite, parfaitement dosée, parvenant à conserver le caractère littéraire de l’oeuvre de Teulé tout en assumant une belle théâtralité.

Adaptation très réussie également dans l’équilibre des personnages, permettant aux trois comédiens d’évoluer chacun dans de chouettes terrains de jeux. Simon Larvaron est un Montespan charismatique, envoutant le public de sa belle voix qui résonne avec beaucoup de profondeur dans cette petite salle. Son cocu est authentique, toujours digne, et la foi inébranlable qu’il porte en son amour parvient à faire espérer une issue heureuse pendant tout le spectacle. De leur côté, Salomé Villiers et Michaël Hirsch campent plusieurs personnages. Elle passe d’une Montespan délicate et enjouée à une servante aux accents de la Ginette des Visiteurs, dévoilant une jolie palette de jeu entre douceur et gaillardise. Lui est l’homme aux mille visages, portant le maquillage blanc comme il porterait un masque de théâtre. Tantôt conteur tantôt bouffon, jonglant avec ses multiples caractères avec une facilité déconcertante, il est un contrepoint comique parfaitement dosé pour relancer l’histoire lorsqu’elle risquerait de s’enliser. On saluerait bien son numéro de comédien, de transformisme, de clown, mais ce serait un peu déplacé face à celui qui jamais ne tire la couverture à lui. On se contentera donc d’un grand bravo.

Notre chance de cocu, dans l’histoire, c’est que le spectacle sera à retrouver à la Condition des Soies lors du Festival OFF d’Avignon cet été ! Ne le manquez pas !

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Un cornard à voir
© Laurencine Lot

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