Un texte de Jean-Marc Beausoleil publié sur Reflet de Société - Dossier Culture
Au Québec, on peut penser aux liens qu'entretient le journal La Presse avec la famille Desmarais ou à la corporation Québecor, propriété de Pierre-Karl Péladeau.
Dans les sociétés à prétentions démocratiques, insiste Chomsky, l'industrie des relations publiques remplit les mêmes fonctions que la violence dans les dictatures. Les communiqués de presse ont pris la place des coups de bâton, mais, toujours, le peuple apprend à se conformer. Il est primordial, conclut le militant, d'encourager des sources d'information indépendantes de la grande industrie pour maintenir un espoir de justice sociale.
Le bon côté de la force
Le lecteur peut donc se rassurer puisqu'il lit en ce moment le produit d'une telle source d'information... En effet, depuis le début des années 1990, Reflet de Société contribue au débat public en s'attaquant à des sujets tantôt difficiles, douloureux, urgents, tantôt inspirants, éclairants ou tout simplement rigolos.
Prostitution, suicide, maladie, décrochage scolaire, gang de rue, politique municipale, nationale, internationale, jeu compulsif, place de l'artiste dans la société... Témoignages tour à tour déchirants ou porteurs d'espoir... Il n'y a aucune problématique qui n'ait été traitée dans les pages de cette revue. Et ce, la plupart du temps, en donnant la parole directement aux personnes touchées dans leur vie, dans leur quotidien, dans leur chair par les épreuves dont il est question.
En plus de donner la parole à des citoyens qui sont trop souvent dépossédés, justement, de leur droit de cité, Reflet de Société a profité, à travers les années, de la collaboration de plusieurs journalistes professionnels qui ont donné temps et expertise pour assurer la qualité de cette publication. Ainsi en est-il du journaliste international Dominic Desmarais, de la collaboratrice de Radio-Canada Julie Gagnon, de Jean-Claude Leclerc, du Devoir, et de plusieurs autres.
À la fois nourris par la rue et par des professionnels chevronnés, les textes de Reflet de société ont, par exemple, été utilisés par les ministères de l'Éducation du Québec et de l'Ontario, par l'université Oxford en Angleterre et par la maison d'édition Hachette au Maroc. Quelle autre publication, au Québec ou ailleurs, peut se targuer d'avoir plus de 33 000 abonnés pour sa version papier, 100 000 visites mensuelles pour son site internet et de jouir d'un tel rayonnement international?
Raymond Viger
" Nos péchés sont têtus, nos repentirs sont lâches ", écrit le grand poète Charles Baudelaire. Il est si rare de rencontrer un être qui se dédie réellement à ce qu'on pourrait nommer la vertu, soit ici au bien-être du plus grand nombre. Vertu, ce mot se prononce rarement sans un ricanement ironique. Et pourtant, un peu comme le père Emmett Johns de Pops dans la rue, Raymond Viger a passé la majeure partie de sa vie au service de son prochain.
" Raymond est un être exceptionnel ", a déclaré le rappeur et travailleur social Frédéric Galbrun, quand je l'ai interviewé. En fait, tous les gens, et ils sont nombreux dans les dernières semaines, à qui j'ai parlé de Raymond Viger sourient à l'évocation de son nom, s'illuminent au souvenir de sa personne. Ainsi le fondateur de Reflet de Société, du Café Graffiti et du Bistro Ste-Cat n'a pas été décoré par l'Assemblée nationale en vain. Pour une fois que quelqu'un la mérite, sa médaille.
Énergumène à la fois original et excentrique, Raymond Viger a piloté des avions portant des banderoles publicitaires entre les tours du centre-ville de Montréal. Il a mis sur pied et dirigé un magasin de meubles. Il a excellé comme représentant et vendeur itinérant. Bref, il avait toutes les qualités - entregent, sens de l'initiative, énergie sans fin - pour devenir un entrepreneur fortuné, un homme d'affaires accompli. Un riche, de ceux que l'on désigne en crissant des dents, parce qu'ils en ont vraiment beaucoup. Du pognon à fond le trognon!
Des épreuves douloureuses, le suicide de son père n'étant pas la moindre, ont marqué le destin de notre héros (oui, oui, il mérite ce mot, et bien plus que le Captain America!). Lui-même aux prises avec la dépression et avec ses propres pulsions destructrices, Viger a décidé de suivre un cours pour devenir intervenant auprès de personnes suicidaires, ne serait-ce que pour mieux se connaître. L'insomnie aidant, il errait dans les rues de Montréal, s'improvisant ange gardien des pauvres âmes qu'il rencontrait aux coins des rues, les aidant comme il le pouvait.
Le Graffiti contre le suicide
La qualité de son écoute, son empathie surnaturelle ont entrainé cette dynamo humaine dans toutes sortes de situations. Il a travaillé pour Bristol-Meyers, tentant de sauver par la parole de pauvres hères dont les antidépresseurs avaient achevé leur potentialité chimique. Il est intervenu auprès de communautés en détresse dans le Grand Nord québécois. À ce sujet, quand on lui parle de nuit sans fin, il répond par la beauté des aurores boréales.
De la plus grande noirceur viendra la plus grande lumière. Avec Raymond, on est tenté d'y croire.
Surtout, il a fondé la revue Reflet de Société qui finance le Café Graffiti, organisme dévoué à la réinsertion sociale de jeunes délinquants. Depuis plus de vingt-cinq ans, le Café Graffiti a aidé des milliers de jeunes qui, dans bien des cas, sont eux-mêmes devenus des aidants naturels au sein de leur communauté.
" La magie de l'art sert à faire passer l'amère pilule du réel ", a écrit Nietzsche. Il avait raison. Avec Raymond, la folle et multicolore exubérance du graffiti sauve des vies, tous les jours.
Depuis peu, il a aussi participé à la fondation du Bistro Ste-Cat, un restaurant-salle de spectacle qui est devenu un lieu de rencontre important dans le quartier Hochelaga, le hood où notre
homme a toujours basé ses opérations. Fait à noter, au moment de la rédaction de ces lignes, le Bistro est en nomination pour le prix Distinction de l'organisme Tourisme Montréal, pour la qualité de son accueil offert aux touristes internationaux.
L'économie sociale
Bref, Raymond Viger est un as de l'économie sociale, cette façon de voir les choses qui permet aux citoyens de se prendre en main à travers des projets à dimension humaine qui embellissent et animent leur communauté. Par exemple, le Café Graffiti emploie neuf personnes à temps plein, le Bistro compte une douzaine d'employés et des bureaux de sollicitation situés à Joliette et à Sorel, pour les abonnements, totalisent à eux seuls une quinzaine d'emplois.
Toute cette activité trouve son noyau, son cœur battant, dans la revue Reflet de Société. Mais ce n'est pas pour cette raison que vous devriez la lire. Ce n'est même pas parce que Noam Chomsky vous le recommande.
Vous devriez lire cette revue pour vous ouvrir sur le monde, pour vibrer à l'unisson avec lui, pour toucher à ses plaies les plus sensibles, pour vous réjouir de ses victoires les plus motivantes. Vous devriez la lire, tout simplement, pour le plaisir de la lecture.
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