Station no6

Par Ladine

Roswell, 6 juillet 1947, 21hrs 32.
Après ce qui était arrivé en Pangée, il n'était plus question de laisser la mémoire atomique opérationnelle. Beaucoup trop dangereux. Qui sait ce que mes voyages dans le temps allaient encore me réserver comme surprises désagréables? Pas envi de finir trucider parce que j'aurai eu la mauvaise idée de me patenter un système anti-intrusion qui m'interdirait l'accès à ma seule planche de salut.
Bon, ceci étant dit, il n'en demeure pas moins que j'adore faire mes voyages et que je compte ne pas m'arrêter de sitôt. Trop cool!
En juillet 1947, un objet volant non identifié s'est écrasé dans les pâturages du ranch Foster, à une centaine de kilomètres de Roswell, Nouveau-Mexique. L'histoire allait sombrer dans l'oubli jusqu'aux jours où certains des principaux témoins décident de se mettre à table, et dévoilent de nouveaux faits troublants qui n'auront fait qu'épaissir le mystère. L'un de ces témoins avait pour nom ''Mac'' Brazel. Il fut le premier à se rendre sur les lieux du crash, et de ce fait le plus susceptible de répondre à un tas de questions que je me pose sur le sujet.
Était-ce oui ou non, de la part de l'armée, une vaste opération de camouflage?
L'engin qui s'est écrasé sur les terres de Foster était-il d'origine extraterrestre?
Les militaires ont-ils effectivement récupéré les corps de cinq petits êtres d'aspect humanoïde?
Voici la retranscription partielle de la conversation que j'ai eue avec William Brazel.
Les trois petits points indiquent l'endroit où il y a eu des coupures dans le récit.
...
Moi: Je sais combien vous pouvez avoir peur des militaires, mais n'ayez crainte, je n'ai pas l'intention de vous trahir. Vous m'apparaissez être un homme bien, et j'aimerais pouvoir vous aider à comprendre ce qui s'est passé.
Lui: Tu travailles pour quel journal, mon gars? Pas pour ce torche-cul de Daily Record, j'espère.
Comme je ne voulais pas l'alarmer davantage, je me suis abstenu de lui dire que des agents gouvernementaux allaient bientôt empêcher un journaliste de diffuser l'entretien qu'il allait avoir avec lui concernant son étrange découverte. De même que je ne lui signalai pas qu'il allait être mis en détention, et que des militaires allaient tenter de l'intimider afin de lui faire changer sa version des faits.
Moi: Je ne suis pas journaliste.
Lui: T'habites où?
Moi: Je ne suis que de passage.
Écoutez monsieur, on a très peu de temps devant nous... demain un major de l'armée américaine du nom de Jesse Marcel va venir frapper à votre porte... j'aurais aimé pouvoir vous donner plus de temps mais... bref, voulez-vous m'aider?
Lui: C'est quoi c't'histoire d'armée?
Moi: S'il-vous-plaît. Le temps presse. Je sais que cela peut vous sembler étrange, mais sachez que vous êtes sur le point d'aller signaler aux autorités l'écrasement d'un objet volant non identifié dans un champ tout près d'ici. N'ai-je pas raison?
Lui: Qui êtes-vous, pour l'amour du bon Dieu?
Désespérant ne pouvoir compter sur sa précieuse collaboration, je l'agrippe par le bras et l'entraine avec moi hors de portée des oreilles indiscrètes que pourraient tendre vers nous les membres de sa famille.
Je ne suis pas chaud à l'idée de lui en dévoiler plus qu'il n'en faut sur mon compte, mais comme le temps presse, je ne peux m'offrir le luxe de jouer la carte de l'arrogance. Il a beau vivre à une autre époque ça n'en fait pas pour autant un simple d'esprit que l'on peut emberlificoter à sa guise.
Moi: Je suis un voyageur de l'avenir. Je vis en l'an 2012, et j'ai fait le voyage jusqu'ici à bord d'un engin spatio-temporel de ma conception... que vous allez avoir la chance d'admirer si jamais vous décidez de coopérer avec moi, en me montrant le site du crash.
Étrangement, ma confession ne semble nullement l'émouvoir. Alors qu'il m'entraine à travers champ, je continue à le questionner.
Moi: Quand avez-vous découvert les débris?
Lui: Mercredi dernier, en 4... Vas-tu m'amener faire un tour à bord de ton truc?
Moi: Je ne crois pas.
Lui: Les choses ont-ils beaucoup changées en soixante ans?
Moi: Pas autant qu'on l'aurait souhaité.
Écoutez... en signe de bonne volonté, je veux bien vous révéler un secret, si vous promettez de n'en rien dire à qui que ce soit. On est d'accord?
Lui: Dac-o-dac.
Moi: Ok. L'officier des renseignements à qui vous allez bientôt raconter votre histoire, accréditera dans un premier temps la thèse de la soucoupe volante devant la presse locale, pour se rétracter peu de temps après et affirmer que l'objet n'était en fait qu'un vulgaire ballon-météo que l'on associera ultérieurement au projet Mogul, nom donné à un projet top-secret américain dont la principale mission consiste à espionner l'Union-Soviétique pour détecter d'éventuels essais nucléaires. Il admettra trente ans plus tard devant les caméras de télévisions qu'il avait été forcé par ses supérieurs de changer sa version des faits pour les rendre conforme aux leurs.
Lui: Qu'est-ce qui me dit que c'est vrai?
Moi: Vous êtes âgé de 48 ans. Votre femme s'appelle Vernon et vous avez une fille de quatorze ans qui se nomme Betty, ainsi qu'un fils dénommé Bill. Vous tous avez ramassé des débris lors de la visite que vous avez effectuée sur le site du crash avant-hier soir. Vous les avez cachés sous un tas de broussailles, et vous comptez les vendre au plus offrant aussitôt la poussière retombée sur toute cette histoire. Projet que vous ne parviendrez jamais à réaliser du fait que les militaires vont toujours vous avoir à l'œil, vous ainsi que tous les membres de votre famille ...
...
Nous avons marchés à travers champ une bonne demi-heure avant de finalement arrêter notre course devant une grange qui tombait en ruine. La porte, entre-ouverte et de guingois, reposait lourdement sur des gongs rongés par la rouille.
Moi: Les avez-vous mis là-dedans?
Lui: Faudrait voir.
Moi: Comment ça '' faudrait voir ''.
Lui: Combien penses-tu que ça vaut mon gars? C'est pas tous les jours qu'on voit un truc pareil. Ça doit surement valoir quelque chose, sinon t'aurais pas pris la peine de te déplacer jusqu'à aujourd'hui, je me trompe?
Le bonhomme commence sérieusement à mes les casser avec sa fixation sur l'argent. Je pensais ne devoir m'en servir que plus tard pour effacer toute trace de sa mémoire de mon passage ici, mais il ne me donne guère le choix, il faut que je mette fin sans tarder à ses lubies mercantiles Je tire de la poche antérieure de mon bermuda un oblitérateur de mémoire en aérosol. Je le brandit à son visage et lui en administre une bonne giclée dans les narines. L'effet est instantané.
Lui: Où suis-je? Qui êtes-vous?
Moi: Mon nom est Ladine, et je suis à la recherche de mon vaisseau spatial, qui s'est écrasé il y a peu de temps dans les environs. Je voudrais en récupérer les morceaux avant que les bolcheviques ne les découvres et ne s'inspirent de cette nouvelle technologie pour améliorer leur arsenal nucléaire.
Lui: Vous ne ressemblez pas à vos potes.
Moi: Qui ça, mes potes?
Lui: Les petits gris, avec leurs grosses têtes et tout.
Je reste sans voix. Je savais que certains ouvrages consacrés à l'affaire Roswell mentionnaient la présence de cadavres d'extraterrestres parmi les débris reliés au crash d'un OVNI, mais j'étais loin de me douter que l'information puisse s'avérer fondée. Autre chose: mon compagnon venait d'utiliser l'expression petit gris pour désigner l'apparence extérieure des passagers du vaisseau spatial. Une expression que les ufologues utilisent encore de nos jours pour désigner nos visiteurs de l'espace. À la manière de Kenneth Arnold et de ses soucoupes volantes, Mac venait sans le savoir de contribuer à l'élaboration d'un nouveau lexique ufologique. Ça lui ferait une belle jambe de savoir tout ça, mais, étant donné que cette désignation fortuite et inspirée lui revenait de plein droit, il était important que je souligne l'anecdote.
...
Tel que prévu, l'OVNI se trouvait effectivement sous un tas de branchages. À première vue, il semblait relativement intact. Le plus gros des débris faisait à peine la taille d'un ballon de basket et faisait penser à de l'aluminium en feuilles. Il y avait ici-et-là des baguettes qui aurait pu s'apparenter à des poutrelles si elles avaient été fabriquées à l'échelle humaine. Sur les différents débris, je ne détectai aucune trace de carbonisation, de même que je ne repérai aucun système de propulsion.