Tout le mystère que contient la vie de nos mères. J'écoute Biber, ses Sonates du mystère, c'est ma consolation. Ma consolation et ma prière.
Ainsi parle Rosalie dans un de ses cahiers que lit en cachette sa fille Lila, la dernière descendante d'une lignée de femmes. Lila est ainsi la petite-fille de Marie, l'arrière-petite fille d'Élise.
C'est Lila qui introduit chaque partie de cette histoire puis la conclut, mais ce sont les cahiers de Rosalie qui en relatent les faits marquants. Car Rosalie remplit des cahiers sur tout, sans cesse.
Les quinze premiers chapitres de Sonates du mystère reprennent les quinze mystères du rosaire, qui ont inspiré les sonates de Heinrich Ignaz Franz Biber, composées au XVIIe siècle.
Le compositeur d'origine tchèque leur en a ajouté une seizième, une passacaille, l'occasion pour Nathalie Chaix de laisser à Lila le dernier mot: Je suis avec vous, toutes les femmes avant moi.
Grâce aux cahiers de sa mère, Lila apprend beaucoup sur la vie de Marie, sur sa maladie en 2015. Le premier cahier de Rosalie est, lui, consacré à son enfance et à l'ascension sociale de ces femmes.
Deux cahiers de Rosalie ont trait à la venue de Lila sur Terre, ce qui n'a pas été une mince affaire, n'a pas eu de quoi la rendre optimiste et lui a aussi posé de bien douloureux problèmes éthiques.
À travers cette histoire de femmes, c'est la condition féminine au cours des dernières décennies qui est mise en lumière ainsi que deux visions du monde qui s'affrontaient dans les années 2020:
D'un côté, ceux qui pensaient que la catastrophe ne serait pas telle qu'on la prévoyait, que leurs enfants sauraient trouver des solutions, que de nouvelles solidarités verraient le jour; de l'autre, les Cassandre.
Qui avait raison? La réponse est connue quarante plus tard à la faveur de la passacaille de fin. Mais, comme elle relève de la fiction, le lecteur, selon ses convictions, la fera sienne, ou pas...
Francis Richard
Sonates du mystère, Nathalie Chaix, 232 pages, Bernard Campiche Éditeur
Livre précédent:
Grand nu orange (2012)