Voici que je suis plante, herbe folle
Voici que je suis plante, herbe folle
Pliant, oscillant
Sur une saillie rocheuse
Et me voici longue tige brune
Palpitant comme flamme
Je suis un roseau
Un vieux coquillage qui chante
A jamais de même
Une touffe de laîche
Une pierre très blanche
Un os
Jusqu’à ce que je redevienne
Sable
Que je tournoie, que je m’envole
Balayée par le vent
En bordure de mer
Dans la clarté déclinante…
Car la clarté décline
Mais si tu devais venir, tu ne dirais pas
Qu’elle ne t’attend pas ici
Qu’elle a oublié. N’avons-nous pas joué
A nous déguiser en herbes folles, pierres et tiges
Tandis que passaient les étranges navires
Sans heurts – solennellement – laissant une boucle d’écume
Qui se déployait doucement autour de notre demeure insulaire
Bulles d’écume laissant sur la pierre
Comme des arcs-en-ciel. Regarde, chéri ! Non, ils sont partis.
Et les voiles blanches se sont fondues dans le ciel en mouvement
1917
Oiseau d’hiver
Mon oiseau, mon chéri
Qui appelles dans le froid de l’après-midi –
Ces notes rondes, ces notes vives,
Chacune d’une telle perfection
D’une secousse issue de l’autre et cependant
Suspendues ensemble en bouquets d’éclairs !
« Des petites fleurs tendres et des fruits mûrs
Voici la récolte
Et vient désormais la saison des noix et des baies,
Des gouttes rondes, vives, étincelantes
Dans l’herbe gelée. »
Juin 1921-janvier 1922
Katherine Mansfield, in revue Europe, n° 1003-1004, nov.-déc. 2012, traduction d’Anne Mounic.
Anne Mounic avait réalisé le dossier Katherine Mansfield de ce numéro, en signant l’introduction et plusieurs articles, en plus de la traduction de poèmes de la poète britannique d’origine néo-zélandaise, née en 1888 et disparue en 1923.
Poèmes choisis pour rendre hommage à Anne Mounic, qui fut très proche de Claude Vigée sur lequel elle a écrit un beau livre, Poésie de Claude Vigée : Danse vers l’abîme et connaissance par jouï-dire et qui est décédée ce 15 février 2022.
Anne Mounic, née en 1955, vivait dans un village d’Ile-de-France, où elle partageait son atelier avec son époux, Guy Braun, lui aussi peintre et graveur (Atelier Guyanne).
Ils ont créé en février 2006 la revue en ligne Temporel (temporel.fr ; comité de rédaction : Claude Vigée, Michèle Duclos, Guy Braun, Anne Mounic). Anne Mounic fut maître de conférences à Paris III Sorbonne nouvelle et était membre de la Robert Graves Society et de la Katherine Mansfield Society. (source)
On peut aussi lire cette émouvante page d’hommage signée Guy Braun et Vincent Mounic-Chalifert
NB, le portrait sur la couverture du n° d’Europe est celui de Clarice Lispector, autre auteur célébrée dans cette livraison et non pas Katherine Mansfield.
Source de la photo de Katherine Mansfield, le site Temporel.