CELLE QUI SEULE SAIT
Je suis en panne d’inspiration
Ce soir largué, totalement
Loin de la certitude
Quand sa bouche
Se soudait à la mienne
Mais je me souviens
Dans le hors foyer
Mes scribes émérites
Se décarcassant la quille
À la recherche
Du mot justement
Pour tout claquer
J’étais d’une rare précieusetée
Pour mieux m’entraver
Pendant ce temps
Je fais abstraction
De ses fibres récalcitrantes
Ici je préférerais
Revenir à cet endroit
Précisément là
Pour celle
Qui seule sait.
CHANSON DÉSINCARNÉE
Seules les trois prochaines vies
Suffiront à me taire
Trois vies successives
Hypothéquées d’avance
Seules mes trois prochaines vies
Finiront par me faire
Remonter un jour la pente
Puis mourir dans une ambulance
Entouré d’étranges inconnus
Trois vies successives
Question de nourrir l’Histoire
Et puis lire entre ses fentes
Sur ce je réquisitionne
Agrippé à la rampe raide
Trois vies successives
À cent ans chacune
Pour mes inspirations vertes
Et de plus mûres équations.
DANGEROSITÉ CROISSANTE
Dehors parfois, c’est le soir
Qui s’installe en douce
Dans l’obscurité croissante
Des visages hagards reflétant un danger
Accompagnent ceux d’entre nous
Qui ne demandent pas mieux
Le monde s’émiette
Tel un biscuit jeté aux oiseaux
Pendant l’ultime ronde nocturne
Et de nouveaux cercles
Sous nos yeux pochés
Alors que de telles questions
Ne se reposent plus
Ni à la lourde ni à la légère
On n’y voit hélas pas
Pas un grain plus clair
Pour autant que cela
Se cache avec facilité
On en restera là.
HYONOTIQUE HYPOTHÈSE
Jusqu’à ce que la barre saute
Je signerai de la matière
À hurler
Dans ma camisole de faiblesse
Je côtoie des brutes
Je partage leur dentelle élimée
Et sue mon contrat vénal
Depuis la première hypothèse
De ma venue
Et des retours qui s’ensuivirent
Pourvu que je brûle
Assez nu dans l’ensemble
À l’autre bout du monde
Autant que possible
Loin des traces de piqûres fraîches
Je signerai ces mots
Qui vous tiendront
Longtemps la main.
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Daniel Guimond, années 80