Voilà pourquoi je vous parle aujourd’hui de Pacifique de Stéphanie Hochet qui résonne parce qu’il est arrivée entre mes mains à la fin de l’Hanami qui est célébré prestigieusement cette année au Parc de Sceaux. Des milliers de japonais sont venus y admirer pendant tout le mois d’avril les cerisiers en fleurs, surtout les roses, quoique les blancs du Bosquet Sud soient également magnifiques.
Stéphanie Hochet place le lecteur dans le cerveau d’un très jeune pilote de l’armée japonaise, le 25 avril 1945 à la veille d’effectuer l’acte héroïque auquel il s’est préparé corps et âme. Il a vingt-et-un ans et il est kamikaze. Si le terme est presque péjoratif dans le monde occidental il a un tout autre sens dans son pays où il signifie vent divin (p.27) et qui permet au jeune homme de se percevoir comme une fleur de cerisier poussée par le vent. L’auteure connait remarquablement le sujet et la culture japonaise. Le récit est d’une telle justesse, d’une telle précision qu’on pourrait croire au recueil du témoignage d’un véritable soldat engagé dans la guerre du Pacifique au-dessus d’Okinawa et non à une oeuvre de fiction.
Le thème résonne hélas avec intensité dans le contexte actuel alors que l’Ukraine assiégée clame haut et fort son refus d’envisager une reddition. On retrouve la même foi patriotique et la certitude de sortir vainqueur, ce qui rend le sacrifice acceptable. Chaque sacrifice est un pas vers la victoire (p. 85). S’il y a une angoisse, ce n’est pas celle à laquelle on pense : Ce n’est pas la mort qui nous fait peur mais de ne pas être à la hauteur de notre future mission (p. 72).
La jeunesse du pilote nous est racontée un peu plus tard, alors que nous avons commencé à ressentir une certaine empathie mais que nous ne partageons pas nécessairement ses motivations profondes. Cette partie va nous permettre de mieux le comprendre.
Stéphanie Hochet nous offre l’occasion de réfléchir sur les valeurs qui fondent l’héroïsme, et sur le sens à donner à sa vie. Elle a préféré laisser une fin ouverte que nous imaginerons selon nos propres convictions et qui donnera un sens nouveau à l’excellent titre qu’elle a choisi.
On sait combien elle aime les animaux. Ils sont fréquemment au coeur de son écriture. Après Éloge du chat, elle vient de publier celui du lapin, en octobre 2021. On remarquera que des prémices étaient présents dans Pacifique puisque c’est l’animal de compagnie de l’enfant. Elle a aussi publié en 2015 Un roman anglais où la guerre est déjà en toile de fond.
Elle est aussi à l’aise dans les deux genres, le roman d’époque et le documentaire animalier. Et j’imagine qu’elle n’en a pas fini avec eux, pour notre plus grand plaisir.
Pacifique de Stéphanie Hochet, Rivages, en librairie depuis mars 2020