Hier soir à Paris s'est tenu le concert du rappeur italien Sfera Ebbasta. Étant une des plus grosses stars du rap en Italie, cumulant plusieurs featurings avec des rappeurs français et américains, j'étais certaine que le public du concert serait représentatif de ce rayonnement. Je m'attendais à retrouver des fans ou des auditeurs de Sfera, qui seraient de France en majorité. Que nenni ! Plus des trois quarts des gens présents étaient italiens, venus spécifiquement pour ce concert, ça crevait les yeux, et les oreilles. On entendait de l'italien partout. Dès la file d'attente, certains scandaient déjà un chant populaire. C'est bien là la fierté du pays. Ce qui était très drôle c'est que pendant la première partie, lorsque le premier artiste (français) s'adressait au public personne ne comprenait. "Baissez-vous ! Baissez-vous !" disait-il à la fosse, qui n'avait aucune réaction. Et pourtant l'ambiance était là. Coyote Jo Bastard, rappeur français que j'ai découvert sur place, qui a déjà fait deux sons avec Sfera, passait donc avant lui. Il débordait d'énergie, sautait, courait, criait et comme par magie, oubliant la barrière de la langue, tout le monde chantait et rappait avec lui, soudain animé par une euphorie collective. Poupie, jeune chanteuse française à fait une apparition le temps d'un titre avec Coyote, on a pu profiter quelques instants de sa présence, moins de sa voix, ce que j'ai regretté. Après, il faut admettre que n'étant pas prévue sur la programmation et étant probablement quasiment inconnue par les italiens présents ce soir, il était difficile de se démarquer plus qu'elle ne l'a fait. Ça reste une performance appréciable.
Oui, il y avait de l'électricité dans l'air dès le départ, et oui, le public était transporté, mais rien à voir avec le moment d'entrée de la tête d'affiche, comme on peut s'y attendre. Après plus d'une demie heure de battement entre les deux parties, il fait son entrée. Acclamé comme un roi, il ne perd pas une seconde et déboule sur la scène comme un boulet de canon. Sans rire. Je ne pourrais même pas vous décrire la réaction du public tant elle était folle. Et on est partis pour une heure de transe, de jet de bouteilles d'eau, de Jordans ...
J'ai failli attraper un torticolis, tellement je devais tourner la tête vers la droite pour faire face à la scène, pas très confortable, surtout pendant autant de temps. Le Bataclan était flambant neuf, mais dénué de charme, et les places étaient mal disposées, d'où cette position désagréable. Toutes les places assises étaient condamnées, donc impossible d'être face à la scène sans être compressée par tout le monde, au milieu de la foule, ce que j'évite à chaque représentation, quand je le peux. Les "come fa ?" et "Tutti quanti" sont les seules choses que j'ai pu comprendre des quelques adresses de Sfera au public. Ne pas saisir le sens de sa musique n'est pas gênant, mais j'aurais aimé parler italien le temps du concert pour mieux sentir la connexion qu'il construisait avec sa communauté.
"Macarena", "Happy Birthday", "Baby", "Rockstar", "Bottiglie privè", "Tran Tran" et "Uhlala" sont quelques uns des morceaux interprétés lors du concert. Il n'a pas manqué de nous offrir les versions live de "Italiano Anthem", "Mamma Mia" et "Easy" qui figurent sur "Italiano", l'incroyable EP qu'il a entièrement fait en collaboration avec Rvssian, en hommage à l'Italie et sa culture, si j'en crois le titre et les visuels. Il l'a sorti le même jour que sa date parisienne. Un plaisir.
Certes les italiens ont en général un fort sens du patriotisme, mais je peux dire sans crainte que la passion qu'ils ont pour Sfera Ebbasta est amplement justifiée. Il est un rappeur qui a une visée internationale et qui comprend le sens et l'essence du hip hop, qui l'honore et le transmet avec une justesse et une authenticité qu'on ne retrouve pas forcément ailleurs, tout en mettant en valeur sa langue natale et les codes de son pays, l'amour et la dignité italiens.