Ce motif rare apparaît au terme d’une longue évolution, à une période bien précise, et pour des raisons probablement tout aussi précises, mais qui restent largement obscures. L’examen d’une « anomalie », celle des inversions lune-soleil, nous fournira sur la question un éclairage latéral.
Article précédent : 1 Globes en main
Un coup d’oeil s’impose sur les premières Crucifixions byzantines et carolingiennes. Leurs influences réciproques ont fait l’objet de nombreux débats, et nous nous limiterons ici au motif du soleil et de la lune.
Crucifixion et résurrection, fol 13r
Evangiles de Rabula, 586, Biblioteca Medicea Laurenziana, cod. Plut. 1.56
Une des plus anciennes Crucifixions conservées est syriaque, donc dans le monde byzantin. Les couleurs bleu et rouge de la lune et du soleil sont conformes à la convention naturelle de la Nuit et du Jour. . En revanche, ils sont inversés par rapport à la polarité habituelle des Crucifixions, où le soleil est quasiment toujours à la droite du Christ, côté bon larron, et la lune à sa gauche, côté mauvais. Nous reviendrons à la fin de l’article sur ce sujet délicat : retenons pour l’instant que le motif des luminaires est présent très anciennement.
Ampoule de pèlerinage (Monza No 6), vers 600, Dumberton Oak Byzantine collection
Les Crucifixions des ampoules de pèlerinage byzantines reviennent à l’ordre « naturel » pour les symboles du soleil et de la lune : peut être parce que le schématisme de l’image ne permettrait pas de différentier autrement les deux larrons.
Selon Elizabeth Leesti ([7a], p 6), cette apparition précoce des astres n’a pas eu de suite immédiate dans l’art byzantin.
Diptyque Harrach (détail), vers 800, Museum Schnütgen, Cologne
Ce sont les carolingiens qui développent véritablement le motif, avec des personnifications du Soleil et de la Lune, portées par un croissant de nuages, qui puisent leur source directement dans l’art antique (voir 2 Le globe solaire).
A Les luminaires plus les anges
En Occident
Crucifixion, vers 850, Metz
Sacramentaire de Drogon, BNF MS lat. 9428 fol 43v, gallica
Au couple soleil-lune s’ajoutent maintenant deux anges en vol, les mains ouvertes vers le Christ, de part et d’autre de la couronne du martyre reprise de l’art paléochrétien. S’ajoute également un autre couple qui serait quant à lui un emprunt à l’art byzantin : l’Eglise recueillant le sang du Christ dan un calice, et la Synagogue, personnifiée ici par un vieil homme tenant un globe bleu sur le ventre (cette iconographie unique est très discutée, voir [1] notes 55 et 57).
Evangeliaire, 875-900, MS Lat 9453, BNF Gallica
Plus tard, la composition se complexifie encore : les luminaires s’isolent dans un médaillon et quatre anges, vus en pied, ouvrent leurs mains vers le Christ : deux plongent du haut du ciel et deux se penchent, perchés sur une étagère nuageuse (comme les autres personnages).
860-70, ivoire provenant de Reims, Victoria and Albert Museum
Vers 870, ivoire provenant de Metz, Louvre
Ici les luminaires se recentrent, disposés horizontalement ou verticalement, sans ou avec médaillons.
En Orient
Triptyque avec Constantin et Hélène, 950-1000, BNF, Gallica
Les Crucifixions byzantines simplifient et hiératisent ces compositions, en disposant au dessus de la Croix :
- tantôt le soleil et la lune réduits à leur symbole,
- tantôt les anges réduits à un buste,
- tantôt les deux, comme ici.
On préfère en Orient identifier les anges aux populaires archanges Michaël et Gabriel.
Triptyque reconstitué, vers 960, Staatslibrary Berlin (centre) et collection privée suisse (volets) [7b]
Ce sont les mêmes qui portent les insignes royaux, le sceptre et le globe, au dessus du Christ en Majesté. A noter en haut des volets les deux autres archanges Raphaël et Uriel, ouvrant les mains en signe d’attente et de déférence.
Triptyque de Stavelot (détail), 1080-1110, Morgan Library
Dans ce reliquaire de la Vraie Croix, Gabriel et Michaël portent chacun un globe présentant un Golgotha en miniature (une croix sur un mont), au dessus des découvreurs de la relique, l’Empereur Constantin et sainte Hélène.
Crucifixion
Sant’Angelo in Formis, Capoue, 1072-1087
En Italie, le modèle byzantin se prolonge jusqu’à l’époque romane.
B Anges et luminaires dans les Crucifixions romanes
Lectionnaire de Cluny, 1090-1110, NAL 2246 fol 42v
La répartition des personnages de part et d’autre de la Croix est très inhabituelle :
- coté honorable, Marie réconfortée par Saint Jean ;
- côté infamant, le centurion romain et une présence sans précédent ([7c], p 149), le prophète Isaïe tenant un verset lui aussi inhabituel : « Vraiment c’était nos maladies qu’il portait » Isaïe 53,4
Il en résulte une forte polarité entre la partie positive – les personnages du Nouveau Testament – et la partie négative – le païen et le prophète dénonçant un monde malade. Les anges pleurant la mort du Christ participent discrètement à cette dichotomie par leurs ailes rouges et bleues, les couleurs conventionnelles du Soleil et de la Lune.
Mis à part cette unification sans lendemain, les luminaires et les anges vont rester strictement séparés pendant toute la période romane.
Tympan de Conques, vers 1100 (détail)
Le sujet du tympan de Conques n’est pas la Crucifixion, mais le Jugement dernier. Les deux anges des cantons supérieurs jouent donc ici une rôle très particulier :
- d’une main ils soutiennent la croix en tant que signe de la Parousie, comme le précise la seconde ligne de l’inscription :
Ce signe, la croix, apparaîtra dans le ciel lorsque le Seigneur viendra pour le Jugement
(h)oc signum crucis erit un celo cum dominus ad ivdicandum venerit
- de l’autre ils brandissent les preuves du sacrifice du Christ, la lance et le clou, comme l’explique la première ligne :
Soleil Lance Clou Lune
sol lancea clavis luna
Les personnifications du Soleil et de la Lune sont presque identiques, avec deux torches en main, mais se différentient par le sexe, le décor du disque (rayons ou nuages) et probablement les couleurs :
Cette composition unique suggère une association d’idée entre la lance et les rayons solaires d’une part, entre le clou et la pleine lune d’autre part, permise heureusement par le fait que la lance ne peut être placé que du côté du flanc qu’elle a percé, le droit.
Une conclusion hâtive
A propos de ce tympan, Emile Mâle fournira une explication à l’emporte-pièce de l’origine de l’iconographie qui nous occupe, considérant que les anges non pas portent, mais emportent les luminaires :
« Au siècle suivant , des anges emporteront les deux astres , comme on éteint des lampes devenues inutiles , car la croix , nous enseigne Honorius d’Autun , « brillera d’une lumière plus éclatante que le soleil » » [4]
Si les anges aux luminaires apparaîtront bien au début du 13ème siècle, ce sera pour des raisons bien plus contemporaines que le vieux texte d’Honorius.
Crucifixion « cosmique », 1175-80, MBA Lyon
Dans le corpus des émaux de Limoges [7d], on nomme « crucifixion cosmique » cette première formule, où deux figures les bras levés, tiennent l’une le Soleil à main droite, l’autre la Lune à main gauche : malgré les amples drapés, il ne s’agit pas d’anges, mais de personnifications des deux astres, dans la tradition carolingienne la Lune, coiffée d’un voile, est indiscutablement féminine.
.
Ces paires de plaques émaillées servaient de reliure, la Crucifixion sur le plat supérieur, la Majesté sur le plat inférieur.
Crucifixion « dogmatique », 1185-90, atelier de la cour d’Aquitaine, Morgan Library
Dans la seconde formule standardisée des émaux limousins, dite « crucifixion dogmatique« , on voit en haut la main de Dieu, et en bas Adam sortant du tombeau. Les personnages du registre supérieur sont deux anges tenant leur livre, sans aucune indication cosmique.
Sacramentaire de Saint Amand, 1170-80, Valenciennes BM Ms 108 f.58v
Dans cette autre formule, les anges balancent un encensoir, chacun de la main droite. Le Soleil et la Lune ne se différentient que par leur sexe, masculin et féminin.
La formule carolingienne des luminaires sexués survit notamment, à l’époque romane, dans les Crucifixions qui illustrent le « Te igitur » des missels (voir 2 Une figure de l’Incommensurable).
C Des éléments précurseurs
Evangélaire de Theophanu, 1039-58, Domschatz, Essen (détail)
Dans cette reliure réalisée pour Theophanu, princesse byzantine devenue épouse de l’empereur Otton II, deux anges élégants exhibent les deux luminaires autour du Christ en majesté : cette image dérive de l’iconographie courante de Dieu créant les deux luminaires au quatrième jour (voir 4 Paires de globes), et n’a rien à voir avec le soleil et la lune dans la Crucifixion : elle constitue néanmoins une première prise de contact entre anges et luminaires.
La Déposition de Pampelune
Chapiteau de la Crucifixion Chapiteau de la Déposition/Résurrection
Vers 1145, provenant du cloître de la cathédrale, musée de Navarre, Pampelune
Réalisés par le même atelier, ces deux chapiteaux se répondent. Dans la scène de la Crucifixion, deux anges en vol lèvent les bras en signe de désespoir. Dans celui de la Déposition, ils portent sur leur dos le soleil et la lune. Cette iconographie exceptionnelle surprend, car le seul Evangile qui évoque un phénomène cosmique le situe avant la mort du Christ :
« A partir de midi, l’obscurité se fit sur toute la terre jusqu’à trois heures » Matthieu 27,45
Une possibilité est l’association d’idée entre les anges, supportant les astres, et les hommes, supportant le corps de Dieu. Mais je pense que le choix de placer les luminaires dans la Déposition est ici purement compositionnel.
Dans la Crucifixion, ils n’auraient servi à rien, puisque les larrons sont invisibles, déportés sur les faces latérales :
- à gauche, avec Marie, le Bon Larron échappant au démon et secouru par un ange (remarquer ses jambes liées en croix en signe de sa conversion ) ;
- à droite, avec Saint Jean, le Mauvais Larron tourmenté par deux diables.
Dans la Déposition, l’ajout des luminaires améliore en revanche la lisibilité d’ensemble :
- côté faste, le soleil conclut la scène joyeuse de la Résurrection ;
- côté néfaste, la lune prélude à la scène douloureuse de la Mise au Tombeau.
1180, Aumonière-reliquaire, trésor de la basilique Saint Servais, Maastricht
Ce modeste textile est le plus ancien exemple que j’ai trouvé où des figures ailées, portées par des nuages, exhibent dans leurs deux mains voilées les luminaires, non encore inscrits dans des disques. Dépourvues de caractères sexués, il ne s’agit plus des personnifications habituelles, mais bien d’anges : confusion involontaire entre les deux formules cosmique et dogmatique, choix purement graphique de remplir les coins, ou écart volontaire par rapport aux conventions ? Il est en tout cas significatif que l’innovation apparaisse dans un art mineur, moins soumis au contrôle théologique.
Speyerer Evangelistar, vers 1220, BLB Karlsruhe Cod. Bruchsal 1 fol 31r.
Cette composition atypique comporte quatre figures voguant sur des nuages :
- l’Eglise et de la Synagogue ;
- un ange masculin et un ange féminin, dont seul le sexe rappelle la signification cosmique.
La fusion des luminaires et des anges est en cours, mais elle n’a pas encore trouvé son expression définitive.
Fresque de la Crucifixion, 1175-1225, Salle capitulaire, Le Puy
C’est en France qu’apparaît dans cette fresque très byzantinisante l’idée d’accoler les deux anges aux luminaires, sans montrer clairement encore de relation entre eux.
E Chronologie des anges aux luminaires
L’émergence des anges aux luminaires (Arras, 1225-35)
Enfin un atelier d’enlumineurs de la région d’Arras va trouver une solution stable.
Premier missel de St Vindicien (abbaye de Mont Saint Eloi) 1225-30, Arras BM 0094 (0049) fol 82v, IHRT
Le premier missel réalisé pour l’abbaye de Mont Saint Eloi effectue la fusion complète des deux formules médiévales :
- de la crucifixion « cosmique », elle reprend les deux luminaires, symbolisés par des disques rayonnants rouge et bleu (avec un croissant permettant d’identifier la Lune) ;
- de la crucifixion « dogmatique », elle reprend les deux anges auréolés, la main de Dieu et Adam qui ressuscite, avec avec deux trouvailles inhabituelles :
- la main de Dieu vient recueillir l’âme du Christ, matérialisée par un oiseau qui est aussi le Saint Esprit ;
- le calice qui recueille le sang du Christ est tenu par le vieil Adam.
Les six médaillons des bordures, avec des scènes de la Passion, confirment le contexte eucharistique.
Cette fusion, qui nous semble assez naturelle, a nécessité un grand saut conceptuel : renoncer à la différentiation sexuelle millénaire du couple SOL / LUNA et sacraliser les deux luminaires, en les considérant comme des sortes d’hosties cosmiques élevées par des desservants en surplis. La « liturgisation des luminaires » a sans doute été favorisée par le contexte abbatial, la portée eucharistique de l’image étant soulignée par le calice. Mais il me semble qu’elle n’aurait pas pu voir le jour sans le développement, au tout début du XIIIème siècle, du rituel de l’Ostension de l’hostie [6].
Missel de la cathédrale d’Arras, peu après 1235 (datation Marc Gil [7], p 166), Arras BM ms 334 (963) f. 30v (détail)
Ce missel reprend la formule dans une vignette dont la taille réduite oblige à supprimer les auréoles, les ailes et les nuages : restent les couleurs rouge et bleu des disques, blanche des surplis.
Missel à l’usage de Paris, 1225-50, Bibl. Mazarine, 0422, fol 125v, IRHT
Cette autre vignette retrouve les ailes et l’auréole, et mais perd la couleur blanche des robes et la forme en hostie pour la lune : l’intention eucharistique s’estompe, comme dans l’exemple qui suit.
Maître de Guines ?, Missel à l’usage d’Arras, 1231-34 (datation Marc Gil [5e], p 165) Arras, BM, 0888 (0444) fol 175v, IRHT
Cette formule exceptionnelle revient à la figuration romane des luminaires (personnifications sexuées et sans ailes) tout en conservant deux caractères sacralisants de la formule moderne : l’auréole et une des deux mains voilées. Ce compromis sans lendemain témoigne sans doute d’une résistance face au nouveau motif.
Une seconde émergence (Paris, 1234-50)
La chronologie des ateliers parisiens est bien connue grâce aux travaux de Robert Branner [8]. L’introduction du motif à Paris peut être attribué à l’atelier de la Vie de Saint Denis, qui travaillait plutôt pour les religieux ([8], p 87), et très précisément à un maître que Branner a baptisé le « St.-Corneille Painter », caractérisé par son originalité ([8], p 90).
St.Corneille Painter, missel à l’usage de Rouen,1230-35, BL Additional 26655, Branner fig 264
Dans ses premières oeuvres, comme comme tous les enlumineurs précédents à Paris, il montre simplement le soleil et la lune suspendus dans des sortes de sacs nuageux et à demi voilés (allusion à l’éclipse durant la Crucifixion).
St.Corneille Painter, 1434-39, Missel à I’usage de Paris, Lat 862 fol 165v 166r Gallica
Ce bifolium, classique pour les missels (voir 2 Une figure de l’Incommensurable), complète la Crucifixion par une figure de Dieu en Majesté. Au soleil et à la lune dans la main des anges s’ajoute le globe terrestre triparti dans la main du Créateur, trahissant l’intention cosmique qui sous-tend la composition.
Le registre haut de la Crucifixion est donc radicalement modifié : il est probable que l’idée des deux anges obéisse aussi à une raison graphique, l’effet d’écho avec l’Ange de Saint Jean, côté Majesté.
L’innovation semble en tout cas indépendante de la trouvaille de l’atelier d’Arras :
- la lune ici n’est pas un symbole abstrait (roue bleue) mais une image réaliste (un disque blanc avec croissant) ;
- les deux ailes déployées, la taille importante des disques et les mains non voilées enlèvent tout caractère liturgique : l’image est purement cosmique.
fol 148v fol 149r
St.Corneille Painter, Missel de St.Maur, BNF Lat 12054
Le Missel qui, d’après Branner, lui succède immédiatement confirme l’absence d’allusion eucharistique : les anges descendent du ciel et les quatre médaillons de la bordure montrent des scènes de l’Enfance.
fol 99v fol 100r
St.Corneille Painter, 1240-60, Missel de St.Corneille, BNF Lat 17319
Le dernier missel attribué par Branner au Maître est le seul, de toutes les productions des ateliers parisiens, à montrer :
- le disque tenu par une main voilée ;
- une différentiation sexuelle entre les deux anges.
Si le « St.Corneille Painter » est bien un seul et même artiste, il fait preuve d’une exceptionnelle inventivité quant à l’iconographie de la Crucifixion. Quoiqu’il en soit, la formule des grands disques tenus à main nue est ensuite reprise, après 1250, par plusieurs atelier parisiens, qu’il serait fastidieux de suivre.
Fol 157v Fol 158
Atelier Wenceslas, « Rouen painter », Missel à l’usage de Rouen, BM Rouen 277 (Y 50) , IRHT
Dans cette composition particulièrement riche, la forme étudiée de la mandorle permet d’ajouter des anges thuriféraires, à l’extérieur pour la Crucifixion, à l’intérieur pour la Majesté. L’intention d’ensemble reste cosmique et non eucharistique : les luminaires sont touchés à main nue, et la lune, ici, n’est pas intégrée dans un disque.
Développement et variantes
Le second missel de Mont Saint Eloi
Premier missel de St Vindicien (abbaye de Mont Saint Eloi) 1225-30, Arras BM 0094 (0049) fol 82v, IHRT
Second missel de St Vindicien (abbaye de Mont Saint Eloi), 1250, ca Arras BM 0058 fol 105v, IHRT
Réalisé une vingtaine années après le premier, le second missel de Mont Saint Eloi comporte cette fois un bifolium. La page de la Crucifixion est quasiment une copie, avec une variation sur les anges, qui tiennent les astres d’une seule main voilée : l’hostie-soleil de la main gauche, l’hostie-lune de la main droite, comme si la sacralisation de l’ancienne figure païenne avait nécessité non seulement de couvrir la main, mais encore de l’inverser !
Une autre évolution notable renforce l’intention eucharistique : le sarcophage du vieil Adam, sorti de la bordure, c’est posé dans l’image comme un autel : et son couvercle oblique trace comme une parenthèse fermante à l’opposé du panonceau.
Fol 105v Fol 106
Second missel de St Vindicien (abbaye de Mont Saint Eloi), 1250, ca Arras BM 0058 IHRT
Dans la page de la Majesté, les anges jouent également un rôle important : quatre sonnent de la trompette, trois portent les instruments de la Passion (à main nue) et deux une couronne de lauriers au dessus de sa tête. Le Christ n’est pas représenté en Créateur, mais en Vainqueur, le globe terrestre sous ses pieds (voir 5 L’âge d’or des Majestas ). Il fait saigner les plaies :
- de sa main gauche sur les tables de l’Ancienne Loi,
- de sa main droite sur l’hostie et le calice.
Cette symétrie fait écho à la valeur symbolique des luminaires, dans l’autre image : une des interprétations traditionnelles de leur présence dans la Crucifixion [9] est en effet qu’ils représentent l’Ancien et le Nouveau Testament (le premier ne faisant que refléter la lumière du second).
La floraison des variantes
Psautier d’Evesham, vers 1250, BL Add MS 44874 fol 6r
Une fois comprise et acceptée, la formule commence à jouer avec ses propres règles : après s’être ingéniés pendant des siècles à différencier les luminaires, les artistes s’amusent désormais à les rendre presque identiques :
ici seule la longueur des rayons et la taille du visage permettent de les distinguer.
Graduel et sacramentaire d’Admont, par le Maître de Giovanni da Gaibana, 1270–75, Calouste Gulbenkian Museum, Lisbonne
Dans cette composition curieuse, les deux astres sont devenus totalement symétriques, chacun avec un croissant, et ne se différentiant que par les couleurs conventionnelles rouge et bleu. La taille importante des deux globes et leur traitement en volume leur fait perdre toute signification eucharistique (bien que la main voilée reste présente à l’arrière).
Fol 103v Fol 104
Missel à l’usage des dominicains de Toulouse, 1290-95, Toulouse, BM MS 103, IRHT
Dans ce bifolium, les disques de fantaisie, ornés d’un mufle de lion et d’une triste figure, sont brandies vers le bas par deux anges : c’est dire si la symbolique de l’élévation de l’hostie s’est perdue. Les couleurs rouge et bleu sont passées des disques aux nuages, autre jeu avec les conventions antérieures.
Fol. 62v Fol. 63
Petrus de Raimbaucourt, 1323, La Hague, KB, 78 D 40
Un siècle après l’invention du motif, ce jeu de dissimulation est ici poussé à son comble : il faut vraiment être informé pour distinguer, dans les quatre médaillons qui entourent la Crucifixion, les deux du bas représentent l’Eglise et la Synagogue, et les deux du haut le soleil (une sorte de turban rayonnant) et la lune (un croissant informe).
Livre d’Heures de Jeanne d’Evreux, 1325-28, Manuscript (Acc. 54), MET
Terminons par cette miniature de Jean Pucelle, où les anges porteurs d’astres ont épuisé leur symbolique ; ce sont des figurants ordinaires, moins originaux que leurs deux collègues qui viennent, sans nécessité théologique, l’un de l’arrière-plan, l’autre de l’avant-plan, examiner de plus près les plaies du Christ.
F Les Inversions soleil /lune dans les Crucifixions
Ce sujet n’a pas été isolé et étudié en tant que tel : ils offre pourtant des pistes d’interprétations intéressantes, même si aucune conclusion définitive n’est possible vu l’extrême rareté et la dispersion des exemples.
Les Evangiles de Rabula
Crucifixion et résurrection, fol 13r Ascension, fol 13v
Evangiles de Rabula, 586, Biblioteca Medicea Laurenziana, cod. Plut. 1.56 .
Ce bifolium constitue une des plus anciennes représentations de la Crucifixion et de l’Ascension. Rarement présentées côte à côte, les deux pages sont composées pour fonctionner en pendant :
- l’oeil suit l’histoire de haut en bas dans les deux registres de gauche, puis de bas en haut dans celui de droite ;
- le couple lune-soleil, rapproché entre les deux montagnes pour accompagner la mort du Christ, s’est élevé dans les deux coins pour accompagner son Ascension.
Les rares commentateurs qui parlent de cette double inversion soleil-lune l’expliquent laborieusement :
- par le bouleversement cosmique au moment de la mort du Christ (ce qui ne vaut pas pour l’Ascension) ;
- par le fait qu’à cette époque précoce, les conventions n’étaient pas établies ;
- ou, plus astucieusement, parce que le syriaque s’écrit de droite à gauche.
Fol 45v Fol 72r
Psautier Chludov, vers 850, Moscou, Historical Museum MS 129
Le problème de ce dernier argument est que la même inversion se constate dans un autre célèbre manuscrit byzantin, dont deux crucifixions comportent le soleil et la lune (ils sont absents dans la plus connue, celle du folio 72r). Or le grec s’écrit de gauche à droite. On remarque également que la présence des larrons ne modifie pas la position des astres.
Crucifixion et résurrection, fol 13r Ascension, fol 13v
Sans prétendre expliquer l’inversion atypique des Evangiles de Rabula , on remarquera que le bifolium affiche un fort parti-pris de symétrisation :
- l’Ascension est parfaitement symétrique (la Vierge au centre, entre les deux hommes en blanc et deux groupes de six apôtres) ;
- la Crucifixion tend à l’être : le groupe des trois joueurs de dés, le couple lance/roseau, Marie et Jean équilibrant les trois Saintes femmes, les six mains dégoutant de sang, les montagnes jumelles Agra et Gareb.
Seuls rompent cette symétrie deux détails inévitables (voir 1 Distinguer les larrons) :
- la pilosité des deux larrons (jeune et âgé selon le texte)
- l’inclinaison de la tête du Christ (il dialogue avec le Bon larron).
Tout se passe comme si on avait voulu gommer au maximum la polarité bon/mauvais au profit d’une image globalement en équilibre : comme si le poids des astres venait, dans les plateaux de la Crucifixion, contrebalancer celui des larrons.
Quelle qu’en soit la raison profonde, le caractère délibéré de cette inversion est prouvé par une troisième occurrence, dans le manuscrit, du couple soleil / lune.
Josué, le soleil et la lune
Les prophètes Samuel et Josué
Evangiles de Rabula, vers 586, Biblioteca Medicea Laurenziana, cod. Plut. 1.56 fol 4r (détail)
De part et d’autre des pages des Canons, les figures marginales souvent se répondent. Ici deux figures d’autorité :
- Samuel tenant dans sa main droite la corne d’huile pour l’onction du roi Davis ;
- Josué tendant sa main droite pour arrêter le soleil et la lune.
L’image fournit une nouvelle preuve que la position des astre n’est pas liée au sens de l’écriture (dans le texte de Josué 10-12, le soleil est cité avant la lune) mais à la logique de l’image : le geste de commandement se faisant de la main droite, il est naturel que l’astre en chef, le soleil, se trouve à côté de cette main.
Josué, Mosaïque du 5ème s, Sainte Marie Majeure
C’est ce qu’on constate également dans cette composition occidentale de la même époque, complètement dissymétrique : les deux astres se trouvent du côté du camp ennemi, et Josué arrête en priorité le danger principal, le soleil, la lune restant à distance.
Josué arrêtant le soleil et la lune, fol 52v Jérémie, la main de Dieu et la verge qui veille, fol 143v
Bible syriaque, 7ème s, BNF Syriaque 341
Cette autre bible syriaque retient la même option. La comparaison avec la figure de Jérémie met en évidence deux conventions graphiques :
- une ombre à gauche de la figure, servant à lui donner du relief ;
- des ombres sur le sol, partant en oblique depuis les pieds.
Le fait que les ombres partant des pieds de Josué soient dédoublées suggère qu’elles proviennent des deux luminaires.
Abraham, Moïse, Jacob, Moïse, Josué ou Isaïe (panneau IV)
250, synagogue de Doura Europos
Par comparaison, ce prophète très controversé [10] a été identifié de manière convaincante comme étant Isaïe [11], à cause de son ombre unique sur le sol, qui donc ne peut pas provenir des deux luminaires :
« Ce ne sera plus le soleil qui t’éclairera le jour, ni la lune qui te prêtera le reflet de sa lumière : l’Éternel sera pour toi une lumière permanente, et ton Dieu une splendeur glorieuse. Ton soleil n’aura jamais de coucher, ta lune jamais d’éclipse ; car l’Éternel sera pour toi une lumière inextinguible, et c’en sera fini de tes jours de deuil. » Isaïe, 19,21
Les autels portatifs de maitre Eilbertus
Autel portatif du Trésor des Guelfes, Maître Eilbertus, 1150, Kunstgewerbemuseeum, Berlin
Dans le coin supérieur droit de cet autel portatif, une Crucifixion avec le soleil et la lune surmonte la scène des Saintes femmes au tombeau.
Autel portatif de St Maurice
Maître Eilbertus, 1160, Sankt Servatius Schatzkammer, Siegburg [12]
Dans cet autre autel portatif un peu postérieur, la scène de l’Ascension remplace la Crucifixion, avec une grande étoile et une petite dans l’ordre normal des luminaires. La Crucifixion quant à elle est passé dans la colonne de gauche, avec inversion des deux astres : difficile de plaider l’erreur, puisque l’atelier est le même. Par ailleurs, la scène des Saintes Femmes est également inversée, bien qu’elle soit restée au même emplacement, dans la colonne de droite.
Une cause commune (SCOOP !)
Je pense qu’une cause commune explique ces deux inversions : on notera que les apôtres, au lieu d’entourer la partie centrale, sont répartis en deux rangées sur les bords supérieur et inférieur : de ce fait, les deux scènes latérales sont directement en contact avec cette partie centrale, la zone sacrée où s’effectue la Transsubstantiation :
- Dans la Crucifixion, l’absence des deux larrons fait que la position des astres n’est qu’une question de convention : placer le soleil à droite du Christ mort permet de le placer en position d’honneur par rapport au Corps vivant, ressuscité au centre à chaque messe.
- De même , dans la scène des Saintes Femmes au tombeau, l’inversion de la position de l’ange permet de le placer au plus près de Celui qu’il sert, le Christ Vivant et non le tombeau vide.
L’arbre du missel de Gladbach
Missel, 1140, Münsterarchiv HS1, Gladbach près Münich
Dans cette figuration très inhabituelle, la Vierge et Saint Jean se trouvent pris dans les branches supérieures de l’arbre d’où sort le bois de la Croix : c’est donc, selon la légende, l’Arbre de Vie du Paradis.
Les deux figurines coiffées d’une couronne, juste en dessous, ne peuvent être que les ancêtres royaux de Jésus : cet arbre est donc aussi un arbre généalogique, et le visage situé à la base ne peut être, comme d’habitude, que celui d’Adam : mais ce visage est celui du Christ, le Nouvel Adam.
Au dessus de la croix, les personnifications sont restées à leur place habituelle, la masculine à gauche et la féminine à droite. En revanche, de manière tout à fait unique, le croissant et l’auréole de rayons ont été inversées, faisant de la lune un homme et du soleil une femme !
Un schéma sophistiqué (SCOOP !)
L’erreur grossière est exclue, vu le haut degré de sophistication de l’image. Nous avons vu qu’elle induit une lecture chronologique, de bas en haut, mais aussi qu’elle procède par substitution positive :
- à Adam se substitue le Christ ;
- au bois de la croix se substitue celui de l’arbre généalogique.
Les deux entités du haut doivent donc être des figures positives, dans les temps après la mort du Christ, comme le confirme le panonceau vierge : si le futur est annoncé, il n’est pas encore inscrit.
Sous toutes réserves, je proposerais que la femme-soleil, qui se substitue à la Lune, fait allusion à la « femme vêtue de soleil » de l’Apocalypse, souvent assimilée à l’Eglise. Du coup l’homme-lune, qui remplace le soleil et se trouve à la place héraldique de l’Epoux, représenterait le Christ revenant au moment du Jugement dernier :
« Car les noces de l’Agneau sont venues, son épouse s’est préparée » Apocalypse, 19:7
La disjonction entre les sexes et les symboles constitue une sorte d’annulation mutuelle des luminaires, qui traduit graphiquement une autre idée de l’Apocalypse :
« Il n’y aura plus de nuit, et ils n’auront besoin ni de la lumière de la lampe, ni de la lumière du soleil, parce que le Seigneur Dieu les illuminera; et ils régneront aux siècles des siècles. » Apocalypse 22,5
Autres « anomalies » significatives
Le soleil « lunifié »
Fin 11eme, musée d’Utrecht, Goldschmidt vol II planche 42 fig 151 [13]
Le croissant posé sur la tête de la figurine masculine n’est pas une « erreur » du sculpteur, mais une autre manière de signifier l’abolition apocalyptique des luminaires.
La lune « christifiée »
1000-1050, Cologne ou Liège, collection privée (ancienne collection Robert von Hirsch).
Cette Crucifixion place les luminaires verticalement, en haut du montant, ce que nous avons déjà vu dans un ivoire carolingien : mais ici, la Lune est placée au dessus du soleil, adorant le grand halo lumineux qui symbolise le Divin, auquel le Christ en Ascension va s’intégrer.
On retrouve la lune une seconde fois à son emplacement habituel, du côté droit de la traverse, mais avec une iconographie unique : elle porte l’auréole du Christ.
Cette double supériorité de la Lune révèle, selon Gertrud Schiller, une influence apocalyptique :
« Cela rend la lune plus importante que le soleil et montre que le Christ a aboli la nuit. Le côté gauche ou ouest n’a plus de sens négatif. Ici, la lune, continuellement consumée par les ténèbres et continuellement resplendissante d’une nouvelle lumière, symbolise le Christ, qui a vaincu les ténèbres de la mort. La lumière de la Résurrection éclipse toute lumière terrestre… Ainsi, dans l’image de la Crucifixion, le symbolisme de la souveraineté cosmique s’est transformé en un symbolisme eschatologique de la lumière« . [14], p 109
Hortus deliciarum, fol 247v
1159-75 [15]
Voici comment l’Hortus deliciarum traduit graphiquement la même idée :
La clarté resplendissante du Christ prévaut sur tous les luminaires du Nouveau Ciel
Christi claritas prefulgida precellit omnia novi celi luminaria
En conclusion : deux lectures de la Croix
Evangéliaire, 875-900, MS Lat 9453, BNF Gallica
La lecture chronologique n’est pas spécifique au missel de Gladbach, elle est probablement en germe dans toutes les Crucifixions complexes, depuis l’époque carolingienne :
- en bas, le serpent illustre le moment de la Chute ;
- la traverse horizontale marque la fin de l’existence du Christ sur terre ;
- tout ce qui se trouve au dessus, anges, luminaires et panonceau, évoque les temps après sa mort :
- a minima son Règne cosmique,
- a maxima, dans les Crucifixions à allusion apocalyptique, le moment de son Retour.
Premier missel de St Vindicien (abbaye de Mont Saint Eloi) 1225-30, Arras BM 0094 (0049) fol 82v, IHRT
Le Premier Missel de Mont Saint Eloi inaugure une nouvelle lecture, a-chronologique et eucharistique, qui se superpose à la précédente mais s’effectue dans le sens de la Descente :
- en haut, les anges amènent des deux mains les Espèces divines, et Dieu amène des deux mains l’Esprit-Saint
- au centre, le Corps du Christ se déploie, mains ouvertes ;
- en bas, Adam-prêtre élève des deux mains le calice.
[1] Elizabeth Leesti « Carolingian Crucifixion Iconography: An Elaboration of a Byzantine Theme » RACAR : Revue d’art canadienne, Volume 20, numéro 1-2, 1993 https://www.erudit.org/fr/revues/racar/1993-v20-n1-2-racar05602/1072746ar.pdf [2] Anthony Cutler « A Byzantine Triptych in Medieval Germany and Its Modern Recovery » GestaChapitre suivant : 3 Le globe solaire
Vol. 37, No. 1 (1998), pp. 3-12 (12 pages) https://www.jstor.org/stable/767208 [3] Gérard Cames « Recherches sur l’enluminure romane de Cluny » Cahiers de Civilisation Médiévale Année 1964 7-26 pp. 145-159 https://www.persee.fr/doc/ccmed_0007-9731_1964_num_7_26_1304 [4] Emile Mâle, L’Art religieux du XIIe siècle en France: étude sur les origines de l’iconographie du Moyen Age, Page 413 [5] https://www.inha.fr/fr/livre-corpus-emaux-volume-1.html [6] Pierre-Olivier Dittmar « Cachez ce saint que je ne saurais voir. Modifications de visibilité en contexte rituel à la fin du Moyen Âge » dans Cahiers d’anthropologie sociale 2015/1 (N° 11), pages 84 à 99, https://www.cairn.info/revue-cahiers-d-anthropologie-sociale-2015-1-page-84.htm [7] Marc Gil, « Le Maître de Guînes et l’enluminure gothique des années 1230‐1250 entre Flandre et Artois » dans 2017, Pascale Charron, Marc Gil et Ambre Vilain (éd.), La pensée du regard. Études d’histoire de l’art du Moyen Âge offertes à Christian Heck, https://www.academia.edu/36557872/_Le_Ma%C3%AEtre_de_Gu%C3%AEnes_et_l_enluminure_gothique_des_ann%C3%A9es_1230_1250_entre_Flandre_et_Artois_p._157-171 [8] Robert Branner, « Manuscript Painting in Paris during the Reign of Saint Louis : A study of styles », Berkeley, Los Angeles, Londres, 1977 https://www.academia.edu/37647180/Robert_Branner_1977_Manuscript_Painting_in_Paris_during_the_Reign_of_Saint_Louis [9] Louis Hautecoeur, « Le soleil et la lune dans les crucifixions », Revue archéologique 5ème ser. 14 (1921), p 13–32 https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k203688v/f16.item
W. Deonna « Les crucifix de la vallée de Saas (Valais) : Sol et Luna. Histoire d’un thème iconographique » Revue de l’histoire des religions
(premier article) Année 1946 132-1-3 pp. 5-47 : https://www.persee.fr/doc/rhr_0035-1423_1946_num_132_1_5517
(second article) Année 1947 133-1-3 pp. 49-102 : https://www.persee.fr/doc/rhr_0035-1423_1947_num_133_1_5566 [10] https://fr.wikipedia.org/wiki/Synagogue_de_Doura_Europos [11] Kurt Weitzmann, Herbert L. Kessler « The Frescoes of the Dura Synagogue and Christian Art » p 128 [12] Pour une description théologique de l’ensemble voir l’article de Fred Sanders : https://scriptoriumdaily.com/enamel-trinitarianism/ [13] Goldschmidt, Adolph : Die Elfenbeinskulpturen aus der Zeit der karolingischen und sächsischen Kaiser, VIII. – XI. Jahrhundert, Vol II, https://digi.ub.uni-heidelberg.de/diglit/goldschmidt1918bd2 [14] Gertrud Schiller, Iconography of Christian Art: The Passion of Jesus Christ, vol. 2, Londres, Lund Humphries, 1972 https://archive.org/details/schillericonogra0002unse [15] Reproduction intégrale du manuscrit disparu : https://archive.org/details/gri_33125010499123/page/n301/mode/2up