Nous avons tendance à imaginer le racisme comme quelque chose de tranché : c'est raciste ou ça ne l'est pas. Dans notre esprit, le racisme, c'est Hitler, c'est le Ku Klux Klan, c'est la ségrégation, ce sont les insultes à caractère racial. Mais le racisme peut aussi se manifester de manière plus subtile. Il peut s'agir de micro-agressions, de préjugés ou de biais inconscients. Demander à une personne d'où elle vient peut sembler banal, mais ça peut être irritant si elle doit inlassablement répondre à cette question parce que la couleur de sa peau donne l'impression qu'elle n'est pas d'ici.
Un projet novateur
Personne n'est à l'abri des biais inconscients. Ces idées se logent dans notre cerveau de manière insidieuse, et peuvent affecter notre jugement, malgré toutes nos bonnes intentions. Des chercheurs associés à l'Université Harvard ont mis sur pied le Projet Implicit, une série de tests qui permettent de déceler nos biais cognitifs. Sur un écran, vous devez associer le plus rapidement possible des mots à connotation positive ou négative à certains concepts. Le fait d'associer rapidement des mots à des concepts révélerait le fond de votre pensée. J'ai fait un test sur mon attitude envers l'homosexualité et, malgré que je sois moi-même lesbienne, mes résultats ont révélé que j'ai une légère préférence pour l'hétérosexualité. Personne n'est à l'abri des préjugés!
Cerveau influençable
Au quotidien, nous tentons de lutter contre ces forces intérieures, car nous savons très bien que nos préjugés sont injustifiés. Dans les faits, notre inconscient nous joue des tours et ça peut avoir des conséquences négatives sur certains individus. Ce n'est pas parce que nous sommes de mauvaises personnes. C'est parce que nous évoluons dans une société où ces biais sont constamment renforcés par le discours ambiant, les médias ou notre propre vécu. Si nous côtoyons peu de personnes " racisées ", notre cerveau aura tendance à tirer des conclusions à partir de ce nombre restreint d'expériences, et à généraliser à partir des expériences qui confortent les biais cognitifs que nous avions déjà au départ.
Nous éprouvons aussi de la difficulté à concevoir comme une agression les préjudices que nous ne subissons pas nous-mêmes. Par exemple, j'écrivais plus tôt que demander à une personne d'où elle vient peut constituer une micro-agression. Vous minimisez peut-être le désagrément que cela peut engendrer si vous avez la peau blanche et un nom qui sonne québécois. Pour vous, cette question est probablement banale et rarement devez vous y répondre. Mais si votre nom est Traoré, vous risquez de l'entendre à répétition. Vous aurez sans doute l'impression que vous n'appartenez pas réellement à la communauté, même si vous êtes né ici. C'est pour ça qu'on parle de micro-agression.
Empathie piégée
Sans être aussi racistes qu'un membre du Ku Klux Klan, nous pouvons donc - sans nous en rendre compte - nourrir des préjugés ou manquer de sensibilité, à l'occasion. Nous pouvons tenter de changer la donne en manifestant de l'empathie, mais même cet exercice est piégé. Des études démontrent que nous avons plus d'empathie envers ceux qui nous ressemblent! Nous sommes tous, en quelque sorte, " pas racistes, mais... "
Pour mieux identifier nos biais cognitifs, il faut d'abord reconnaître que nous sommes faillibles. Nous pouvons alors prendre les moyens nécessaires pour contrecarrer le plus possible ces vilains tours que nous joue notre cerveau.