Dans son livre, Cinq méditations sur la beauté, (Albin Michel 2006), le très éloquent poète franco-chinois François Cheng, écrit : " [...] dans l'acte de création, l'artiste objective l'idée dans la matière et, par là, subjective aussi la matière. Dans l'art sont alors réunis les contraires apparemment irréconciliables que sont esprit et nature, sujet et monde, singulier et universel. " Les marques de luxe ne sont pas des artistes, mais depuis la nuit des temps, elles façonnent les matières brutes qu'elles anoblissent par la compétence d'artisans aux gestes ancestraux. La pression écologique est en phase de changer le cours de l'histoire de l'humanité en véganisant toute l'économie. Les coups de butoirs médiatiques des activistes commencent à fissurer la plénitude patrimoniale des maisons de luxe pour les inciter à abandonner des savoir-faire immémoriaux et authentiques, au profit d'une alchimie contre nature qui remplace les artisans par des laborantins.
Hermès s'intéresse au mycelium, des racines de champignon cultivées en laboratoires à partir de résidus de la production agricole transformés en pseudo cuir ; Fendi (LVMH), maison italienne passée maître dans l'art de façonner la fourrure, a annoncé s'investir dans la recherche de fausse fourrure cultivée en laboratoire ; le groupe Kering s'est associé avec une start-up spécialisée dans la culture de cuir à base de cellules souches... Toutes ces initiatives et d'autres en cours, se veulent des imitations trafiquées qui tentent de singer la beauté naturelle du vrai. François Cheng rappelle que dans " la philosophie de Platon, la mimêsis a deux significations un peu contraires : elle est d'une part l'art de la copie 'conforme', de l'autre un art de l'apparence illusoire. "
La seule question qui vaille : pourquoi faire le choix d'ersatz de laboratoire à la sensualité illusoire, plutôt que d'inventer des matières nouvelles 100% artificielles, anaturelles, chimiques, factices ? Du cuir et de la fourrure en pipettes même conformes à la réalité, sont des fake materials qui pourront difficilement réconcilier " esprit et nature, sujet et monde, singulier et universel. "
Les nouveaux impératifs du luxe, Maxima 2020
Photo : D.R.