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Le monde perdu et fantastique des camelots seconde partie : napoléon hayard dit l’empereur des camelots

Par Abdesselam Bougedrawi @abdesselam
LE MONDE PERDU ET FANTASTIQUE DES CAMELOTS SECONDE PARTIE : NAPOLÉON HAYARD DIT L’EMPEREUR DES CAMELOTS

Tout se passe comme si Napoléon Hayard est effacé de notre mémoire collective. Pourtant il s’agit d’un homme important pour comprendre la période entre les guerres de 1870 et celle de 1914. Cet homme est le reflet d’une époque de changement avec l’apparition de la liberté de la presse, la politisation, l’apparition des grandes affaires, l’organisation des partis politiques, l’alphabétisation de la population française.

Napoléon Hayard concentre en lui les dérapages d’une époque avec populisme, démagogie, manipulation de l’opinion publique, antisémitisme.

Malgré tout, il demeure un personnage sympathique avec un franc parler et un caractère qui manque cruellement à notre époque du parler correcte, de la pensée unique et de l’autocensure.

Napoléon Hayard est né en 1850 dans la Marne. Poussé par la misère, il rejoint Paris où il est d’abord camelot avant de se lancer dans la distribution de journaux en gros. Il s’installe rue du Croissant où il règne sur un immense empire de camelots. Napoléon Hayard en revendique 120 000 à travers la France. Son prénom Napoléon lui vaut le surnom d’Empereur des camelots. Il ravitaille quotidiennement des milliers de camelots de tout bord : les crieurs de journaux ou de papelards, les gouailleurs ou chanteurs de rue, les vendeurs de toute sorte d’objets insolites.

La revue Don Juan de 1895 le décrit ainsi :

 » Personnage sympathique et pittoresque, le chapeau sur l’oreille, Hayard domine sa légion de crieurs de sa voix forte, tête de satyre rabelaisien. Sa voix est puissante et domine les hurlements. « 

Voici comment la même revue décrit sa technique de camelotage :

 » Rien de plus curieux que la répétition générale du lancement d’un journal. Dans son hall rue du Croissant, Hayard rassemble ses meilleurs camelots, il leur distribue le papier et leur enseigne les pastiches, il crie, se démène, répète le boniment qui sera dans un instant crié aux quatre coins de Paris « .

Son ami Ernest Gegout le décrit d’une façon insolite :

« Napoléon Hayard épate les légions communardes par sa somptuaire. Un yatagan à deux mains, enrichi de pierreries, pend à son côté, retenu par une corde. Au rapport, il le tire chaque matin, avec un air sombre et des yeux farouches, pour tailler son crayon ! À sa ceinture de flanelle rouge sont retenus des pistolets à crosses formidables incrustés d’or, et il chausse des bottes profondes, à revers rouges, le tout chipé, par inadvertance, au cours d’une perquisition chez le général de Galliffet. »

Napoléon Hayard se sert de son emprise sur les camelots pour offrir aux hommes politiques une foule à leur gloire. Elle crie en fonction des rémunérations : « vive celui-là » ou « à bas celui-ci ». Ses services sont très demandés, en particulier par le général Boulanger. Avec Chincholles, agent de presse du général Boulanger ; Paulus chanteur, en revenant de la revue ; et Napoléon Hayard, fournissant la foule d’admirateurs, vente de biographie du général, des chansons à sa gloire, apparaît la première campagne électorale française à grand fracas.

Napoléon Hayard n’est pas lui-même boulangiste.

Dans l’affaire Dreyfus, Hayard exhibe un haineux antisémitisme. Il imprime une feuille tirée à 200 000 milles d’exemplaire où on lisait : réponse de tous les Français à Émile Zola : Merde.

Napoléon Hayard apparaît comme un homme ambigu à l’image d’une période de transition de l’histoire de France. Période qui finira malheureusement par un conflit meurtrier.

Le 15 août 1903, il est renversé par une des toutes premières automobiles.

J’ai publié cet article sur mon blog le 13 décembre 2013. Plusieurs années avant un article similaire par Wikipédia

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