" Avec ce nouveau coronavirus, dont l'émergence est liée à la prédation de l'homme à l'égard de la nature et la destruction des habitats sauvages et dont la propagation a été facilité par l'intensité des échanges liés à la mondialisation libérale, l'humanité redécouvre, avec stupéfaction, la fragilité de notre modèle de civilisation. Elle réalise que l'effondrement est possible. Retranchée, elle fait l'expérience d'un quotidien où se trouve modifié le rapport au temps, au collectif, à la consommation. " (Julien Bayou, au conseil fédéral de EELV du 4 avril 2020).
C'était il y a deux ans, en plein premier confinement. Aujourd'hui, on ne connaît pas plus l'origine du SARS-CoV-2, mais cela ne gênait pas le patron de EELV pour qui tout argument était bon à vendre contre le méchant libéralisme, la méchante mondialisation, et finalement, le méchant humain libre (c'est vrai quoi, si les gens avaient été enfermés au préalable, s'ils n'avaient pas tant voyagé pour les loisirs, leur travail ou leur famille, le virus ne se serait sans doute pas autant propagé). En France, depuis trente ans et la chute du communisme, l'idéologie gauchiste est souvent recyclée dans un écologisme plus rouge que vert. C'est la raison de ses échecs électoraux.
Dans la nuit du 1 er au 2 mai 2022 (il est des fêtes du travail bien laborieuses), Julien Bayou (41 ans), secrétaire national du parti écologiste EELV depuis le 30 novembre 2019 et conseiller régional d'Île-de-France depuis mas 2010, a signé un accord de coalition avec le parti FI de Jean-Luc Mélenchon pour partir unis aux élections législatives de juin 2022, dès le premier tour.
Le parti de Jean-Luc Mélenchon attend désormais de phagocyter deux autres (ex-grands) partis de gauche, le PS et le PCF, avec lesquels les négociations semblent en bonne voie (ils ont repris les négociations ce lundi 2 mai 2022).
Au-delà du petit air de Quatrième République (on notera pour le mauvais jeu de mot que malgré sa proximité sémantique avec le fondateur du MoDem, le patron des écolos ne manque pas d'air), il y a un parfum de programme commun (il y a presque cinquante ans à quelques jours près !), et une sorte de méthode Coué selon laquelle 22 + 4 + 2 + 1 ferait 51 et pas 29 (en pourcentages de bulletins de vote).
Jean-Luc Mélenchon Premier Ministre, qui y croit à part quelques électeurs déboussolés ? Peut-être des jeunes qui n'ont pas encore compris ou expérimenté comment les institutions fonctionnent ? En tout cas, certainement pas Jean-Luc Mélenchon qui avouait le 19 avril 2022 qu'il était déjà trop fatigué pour faire le trajet entre Paris et sa circonscription de Marseille. Alors, Matignon...
L'avantage de cette agitation politique alors que le RN a déjà déclaré forfait, c'est que cette tentative de mobilisation électorale pourra peut-être réduire l'abstention massive attendue. Elle pourra même faire gagner quelques sièges à la gauche (au détriment de qui ?). Mais de là à gagner la majorité des sièges...
En écoutant les uns et les autres, on comprend plutôt l'objectif caché : permettre à ces quatre partis (FI, EELV, PS, PCF) d'avoir chacun un groupe à l'Assemblée Nationale. En d'autres termes, garantir sur le papier au moins quinze députés à chacun d'eux, c'est-à-dire, soixante circonscriptions de gauche, gagnables, sans concurrence au premier tour (merci aux électeurs pour leur choix). Et tant pis si on n'est d'accord avec presque rien, en particulier sur le nucléaire et sur l'Europe, qui ne sont pas juste des détails !
Vu ainsi, on peut mieux comprendre pourquoi les écologistes étaient pressés de conclure un tel accord avec les mélenchonistes : eux-mêmes n'ont plus de groupe à l'Assemblée Nationale depuis longtemps (depuis 2016) et ont tout à gagner de négocier des accords d'union dès le premier tour. Il n'y a plus de Martine Aubry qui était en 2011, à l'époque première secrétaire du PS, très généreuse avec les écologistes pour les élections législatives de juin 2012. Du reste, le PS ne valant plus que 1,7% des voix, a, malgré son implantation locale, plus grand-chose à négocier dans les rapports de forces.
Comme toujours, les écologistes sont très bons dans les combinaisons politiciennes et si Julien Bayou donne le modèle allemand pour conclure un accord de gouvernement, il oublie de rappeler que les Verts allemands, contrairement à ceux français, sont politiquement indépendants alors qu'ici, ils sont plus gauchistes et anticapitalistes que réellement écologistes.
C'est d'ailleurs leur droit, mais ils ont fait à l'évidence beaucoup d'erreurs de casting. En ne franchissant pas le seuil de 5% au premier tour de l'élection présidentielle, Yannick Jadot a montré les limites de son charisme-frimeur (la grosse tête depuis les élections européennes), et Julien Bayou a beau avoir troqué les cheveux longs contre une cravate (que porte aussi l'ancien candidat), cela ne suffit pas pour se dire prêts à gouverner.
Ils auraient au contraire eu intérêt à présenter la candidature de Sandrine Rousseau, plus capable de mobiliser les âmes écologistes face aux autres forces en présence, à montrer la valeur ajoutée des écologistes, quitte à se montrer utopistes, liberticides et irresponsables, mais au moins, ils auraient franchi les 5%, peut-être même 10% et seraient en meilleure posture pour négocier. Et dans une meilleure santé financière, car la perte de l'aide de l'État pour cause de nombre de voix insuffisant a plombé la caisse de 3 millions d'euros avec une échéance bancaire dans quelques jours.
Julien Bayou n'a pas su expliquer pourquoi ses troupes acceptent de s'unir avec FI au premier tour des législatives alors qu'il y a à peine quelques semaines, ils avaient refusé de s'unir au premier tour de l'élection présidentielle, stratégie qu'ils avaient pourtant suivie avec le PS en 2017 pour éviter un éparpillement de la gauche. La seule raison est politicienne et partisane : permettre à leur parti d'avoir les moyens matériels d'évoluer dans la prochaine législature avec la reconnaissance d'un groupe politique.
Ce qui est terrible, c'est que les écologistes ne veulent pas changer une stratégie qui a échoué : aux élections régionales de juin 2021, dans deux régions, ils ont effectivement mené des listes d'union EELV-FI-PS-PCF (Julien Bayou au second tour en Île-de-France et Karima Delli dès le premier tour dans les Hauts-de-France) et face aux trois autres listes LR et alliés, LREM et alliés et RN, elles n'ont pas fait le poids, reléguées en troisième position.
Dans les Hauts-de-France, situation se rapprochant de l'union dès le premier tour aux législatives mais dans un scrutin beaucoup plus favorable, la liste de gauche de Karima Delli n'a fait que 19,0% au premier tour et 22,0% au second tour, en troisième position aux deux tours. En Île-de-France, l'union ne s'est faite qu'au second tour, mais elle n'a même pas été l'addition du premier tour (en pourcentages). Ainsi, au premier tour, EELV mené par Julien Bayou a eu 13,1%, le PS mené par Audrey Pulvar 11,1% et FI-PCF menés par Clémentine Autain 10,3% et la liste d'union EELV-PS-FI-PCF au second tour n'a obtenu que 33,7%, faisant perdre à ces partis 13 sièges par rapport aux sortants élus en décembre 2015.
Car l'union de partis aussi divergents dans les convictions ne peut que provoquer une dynamique répulsive et pas attractive, surtout pour des élections nationales où les désaccords sur la politique extérieure sont cruciaux, en particulier l'analyse sur l'invasion de l'Ukraine par la Russie : Jean-Luc Mélenchon voudrait la neutralité de la France tandis que les écologistes veulent soutenir à fond les Ukrainiens. Que feraient-ils si jamais ils arrivaient au pouvoir ? Qui serait le Ministre des Affaires étrangères ?
En Allemagne, puisque Julien Bayou évoquait la comparaison avec notre voisin, les écologistes ont toujours pris leurs responsabilités politiques, on se rappelle Joshka Fischer à la tête de la diplomatie allemande, et ils ont surtout adopté une politique réaliste pour réduire les causes du réchauffement climatique.
Au lieu de cela, en France, on a des "écolo-totalitaires", qui veulent imposer une décroissance et une idéologie anti-progressiste, une sorte de retour en arrière social en créant des polémiques complètement inutiles dans une société déjà fragilisée et divisée. Les maires écologistes des grandes villes élus en juin 2020 l'ont hélas prouvé, certains en voulant "interdir" leurs jeunes administrés de rêver d'avion, et les Français ne souhaitent pas avoir ce "niveau d'écolo-totalitarisme" à l'échelle nationale.
En tout cas, quels que soient les résultats des écologistes aux élections législatives, suivez bien Julien Bayou, il est de la graine à devenir le prochain candidat écologiste à l'élection présidentielle ...jusqu'au prochain échec.
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (02 mai 2022)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
Julien Bayou.
Élysée 2022 (49) : vers une quatrième cohabitation ?
Élysée 2022 (44) : la consécration du mélenchonisme électoral.
Élysée 2022 (43) : le sursaut républicain !
Yannick Jadot.
Sandrine Rousseau.
Élysée 2022 (5) : profondes divisions chez les écologistes.
Grégory Doucet.
René Dumont.
https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20220502-julien-bayou.html
http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2022/05/02/39460155.html