À première vue, si vous tentez de commercialiser un produit auprès des femmes, il peut sembler logique de l’étiqueter comme étant « pour femmes » et d’utiliser une couleur conforme aux stéréotypes féminins, comme le rose ou le violet. Mais nous avons démontré que de telles stratégies sont en fait plus susceptibles de rebuter les femmes, tout comme les autres groupes ciblés de la sorte.
Les deux premières études citées dans notre article scientifique analysent ce qui se passe lorsque l’on présente aux consommateurs deux produits : une calculatrice verte et une calculatrice violette. Pour certaines femmes de l’étude, la calculatrice violette était étiquetée comme étant « pour femmes », invoquant ainsi le stéréotype selon lequel les femmes aimeraient le violet. Pour certains hommes, la calculatrice verte était étiquetée comme étant « pour hommes ».
Des études ultérieures ont révélé que l’effet était le plus fort chez les personnes qui ont le sentiment que les groupes auxquels ils appartiennent sont marginalisés et pour celles qui ont le sentiment que les groupes auxquels ils appartiennent sont ciblés au moyen de stéréotypes, comme c’est le cas avec la couleur violette dite « féminine ».
Une autre étude, menée lors de l’élection présidentielle américaine de 2016, a révélé que les femmes rejetaient les discours de campagne suggérant qu’elles devraient voter pour Hillary Clinton sous prétexte qu’elle est une femme.
Les spécialistes du marketing devraient tout particulièrement éviter les stratégies fondées sur une identité unique ou sur un stéréotype et ce, même si ce stéréotype n’est pas négatif. Ils risqueraient de rebuter les personnes qu’ils tentent de séduire.
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Afin de vérifier cette première idée, nous avons présenté à des consommateurs asiatiques différentes bouteilles d’huile de cuisson aromatisée au gingembre et à l’ail. L’une des bouteilles ne présentait aucune stratégie identitaire, une autre portait l’étiquette « pour les Asiatiques », et une autre l’étiquette « pour les Asiatiques et les amateurs de bonne cuisine ». Les personnes qui ont vu l’étiquette « pour les Asiatiques » se sont montrées nettement moins intéressées par le produit, tandis que celles qui ont vu l’étiquette à identités multiples étaient à peu près aussi intéressées que celles qui n’ont vu aucune étiquette. Ces groupes étaient également plus susceptibles de se sentir accueillis et en confiance dans le magasin en question.
Le fait d’invoquer des identités multiples permet aux consommateurs de ne pas se sentir pointés du doigt en raison de leur origine ethnique, de leur genre ou de tout autre marqueur d’identité, et correspond davantage à notre réalité sociale et à la vision que nous avons de nous-mêmes. Nous appartenons et nous nous identifions à une multitude d’identités et de groupes sociaux, et les stratégies ciblant une identité unique ne tiennent pas compte de cette réalité.
Dans notre première étude nous avons testé les stratégies identitaires fondées sur des besoins, utilisées lorsqu’un produit répond spécifiquement aux besoins d’un certain groupe. Ils ont constaté que ces stratégies, par exemple un shampoing étiqueté « sans sulfate » spécialement conçu pour les femmes noires, pour qui cette formulation est particulièrement bénéfique, n’ont pas aliéné les clientes noires, mais les ont au contraire incitées à acheter le produit. Le marketing reflétait précisément l’expérience des clientes, qui ont pu constater que l’étiquette était adaptée à un besoin spécifique et non à un stéréotype.
Si vous l’estimez nécessaire, efforcez-vous de mettre en avant des identités multiples ou fondez votre stratégie sur un besoin spécifique et pratique : les consommateurs verront alors plus facilement ce que vous essayez de faire et estimeront que votre produit correspond à leurs besoins et à la façon dont ils se perçoivent eux-mêmes.
Ne réduisez pas votre produit, ou votre consommateur, à une identité unique et stéréotypée.
A propos de l'auteure : Tami Kim est professeure à la Darden School of Business. Elle a coécrit « When Identity-Based Appeals Alienate Consumers » avec Kate Barasz de l’ESADE Business School, et Leslie John et Michael I. Norton, tous deux de la Harvard Business School.