Arthur Miller vers 1997
" Elle portait son pull en angora blanc. " Ce pull te fait rayonner comme un esprit dans cette lumière démente", avait dit Clément. Ils étaient sortis se promener, se tenant la main le long de ces allées sinueuses, à travers des ombres si noires qu'elles paraissaient solides. La clarté de la lune, au cours de cette nuit sans vent, la rendait bizarrement proche. " Elle doit être plus près que d'habitude, ou un truc comme ça", avait-il murmuré en plissant les yeux devant son éclat. Il aimait la poésie de la science, mais les détails étaient trop mathématiques. Sous cette lueur étonnante, ses pommettes paraissaient plus proéminentes et sa mâchoire virile avait l'air d'être sculptée. Ils avaient exactement la même taille. Elle avait toujours su qu'il l'adorait, mais seule en sa compagnie, elle pouvait sentir son appétit physique. Soudain, il l'avait entraînée dans une petite clairière au milieu des buissons et l'avait délicatement attirée sur le sol. Ils s'étaient embrassés, il avait caressé ses seins et puis baissé la main pour l'amener à écarter les jambes. Elle sentait son érection et une gêne mêlée de peur faisait croître sa tension. " Je ne peux pas, Clément", avait-elle dit, avant de l'embrasser pour s'excuser. Elle n'avait jamais autant donné d'elle-même à quiconque auparavant, et elle voulait que ce don doit négligeable.
" Un de ces jours, nous devrons le faire." Il avait roulé sur le côté.
" Pourquoi ?" Elle avait ri nerveusement.
" Parce que ! Regarde ce que j'ai acheté."
Il avait tenu un préservatif sous son nez. Elle l'avait pris et avait apprécié la douceur du caoutchouc entre le pouce et l'index. Elle essayait de ne pas penser au fait que tous les vers qu'il avait écrits sur elle - les sonnets, les villanelles, les haïkus - étaient simplement des stratagèmes pour la préparer à ce ballon de baudruche ridicule... "
Arthur Miller, extrait de " Le manuscrit primitif", tiré du recueil de nouvelles " Présence", 2007. Traduction Française : Éditions Robert Laffont, Paris, 2011.