J’avais envie de reprendre ma catégorie « Choix du mois », abandonnée depuis très longtemps (décidément, c’est souvent que je la laisse tomber et que je la ressuscite de temps à autre!!!) Donc, en avril 2022, voici ce qui m’a frappée parmi les œuvres vues en région, chez moi, ou à Paris.
Chez Christian Berst, spécialisé art brut, dans sa Galerie du 3ème, à Paris (passage des Gravilliers), je suis tombée en contemplation devant une des lettres de Harald Stoffers.
Autiste profond, interné depuis 30 ans, cet allemand semble s’être trouvé une identité par la parole écrite et une forme d’expression qui lui convient. Il trace inlassablement des lettres à l’encre noire ou colorée, en lignes très serrées, sur des feuilles de papier blanc. On pense à des vagues, à des milliers d’oiseaux perchés sur des fils, à des empreintes digitales, à des courbes de niveaux…Ses missives ont parfois plusieurs mètres de long.
Il arrive que les lignes ne portent plus de mots…Vides, mais qui suivent le même rythme que les autres. Comme si l’artiste se laissait emporter par le mouvement. Le tempo devient plus important que la signification-même de ce qu’il trace sur le papier.
Parfois, les lettres et les chiffres s’allongent démesurément, s’étirent, rompant le rythme, lâchant la cadence. Et on débouche sur les Lettres-Partitions. L’écrit est musique. La page est partition. L’alphabet est notes de musique.
C’est ce que j’ai vu à la Galerie Berst. Impressionnant rouleau de papier couvert de cette composition graphique superbe, énergique, mouvante…Le tracé, un peu tremblotant, dessine des horizontales et quelques verticales. Il se blottit, compact et dense. Ou, plus loin, se détend, aéré et ample. C’est fascinant. Et c’est beau.
L’artiste a trouvé sa matière, les signes tracés avec le stylo (ou marqueur). Sa substance. Il a trouvé son moyen de communiquer, de dire, de crier, de chanter. C’est à la fois concret (il forme de réelles lettres d’alphabet et de réels chiffres, il dessine des phrases réelles, il s’adresse même à des personnages réels, à sa mère en particulier) et à la fois abstrait comme une œuvre d’art non figurative.
Je crois que c’est pour toutes ces raisons que j’ai aimé ce travail : esthétique, expression intime et sens profond. L’écriture compulsive d’un homme aux sérieux problèmes mentaux … qui devient une œuvre.
Harald Stoffers est exposé partout, FIAC, Musées et Galeries dans le monde entier…J’espère que cette célébrité involontaire et le fait que son art passe entre les mains de marchands ne le corrompt point! (en même temps, c’est grâce à cela que je l’ai découvert! Pff!)
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