Poutine et Bush, si proches l'un de l'autre, dans la tribunes du « Nids d'oiseaux » pékinois ! Bush et poutine se faisant une accolade sur le sol chinois ! C'est beau la « détente, l'entente et la coopération », comme redirait de Gaulle...Mais les deux « Grands », en pleins jeux olympiques sacrant l'avènement d'un « Très Grand », connaissent la crise la plus grave depuis la fin de la guerre froide. Titre visionnaire du livre que RELATIO-Europe évoquait dès hier : « Caucase du Sud : La nouvelle guerre froide ».
La Géorgie, à la culture si influencée par la route de la Soie, est transformée en bombe à retardement. Avec à sa tête un pro-américain plus qu'un pro-européen, Mikhaïl Saakachvili, qui n'a pas su ou pu tenir ses promesses « oranges » d'une démocratisation effective et durable et qui joue son avenir avec les armes et les réflexes nationalistes. Sans en avoir mesuré tous les risques et toutes les conséquences mais en voulant profiter de la fin de règne de Bush.
Aucun expert ne peut prétendre bien décrypter les dessous de cette vraie guerre déclenchée lors d'un cessez-le-feu non respecté après des affrontements très localisés. Mais les analyses faites par les meilleurs observateurs, dont quelques correspondants de RELATIO-Europe, autorisent trois constats :
1) Les hostilités n'ont pas pu être déclenchées sans que la Russie d'un coté et les Etats-Unis de l'autre n'aient pas été informés de la volonté des deux camps de tirer parti de la (fausse) trêve olympique pour faire bouger les lignes de front.Ont-ils donné leur "feu vert"? Ce n'est pas impossible. L'armée géorgienne est encadrée et entraînée par des conseillers américains, et Poutine a alerté ses "volontaires", les Cosaques du Don, dès les premiers coups tirés...
2) L'ampleur et la gravité des combats (plus de 1600 morts, sans doute et ce n'est pas fini !) a pris les deux « Grands » par surprise. Parce qu'ils ont sous-estimé les motivations du "patron" de Tbilissi condamné à l'action pour sauver son régime politiquement usé.
Moscou et Washington, par-dessus les têtes de l'Union européenne, s'en trouvent embarrassés. D'autant plus que le Caucase sert de catalyseur à d'autres rivalités et d'autres calculs d'arrières-pensées.
Derrière le choc de deux micro-nationalismes : des macro-enjeux géopolitiques. Avec des odeurs du gaz et du pétrole de la Caspienne. Avec des foyers de tensions très proches : Tchéchénie, Ingouchie, Daguestan, Kabardino-Balkarie, Nagorny-Karabakh... Et avec l'antagonisme de deux stratégies incompatibles : la volonté américaine d'élargir l'OTAN (comme s'il était naturel que l'Atlantique Nord se prolonge jusqu'à la mer d'Azof et à la Caspienne) et la politique « d'endiguement » que la Russie veut agir dans son « voisinage proche » avec les principes hérités de l'époque révolue de la « souveraineté limitée » (comme si la Géorgie n'avait pas le droit d'oublier qu'elle a été la terre natale de Staline).
3) Le conflit est à un tournant ou plutôt à un carrefour extrêmement dangereux. Trop d'huile est jetée sur un feu qui risque de s'étendre. C'est tout le Caucase, là où Prométhée, en conflit avec Zeus pour avoir donné le feu aux hommes, s'est fait dévoré le foie par un aigle, qui risque de s'embraser.
Déjà, les négociations prévues pour le 15 août en ABKHAZIE ont été ajournées. Et les « rebelles » abkhazes viennent porter secours aux Ossètes en menaçant les Georgiens d'ouvrir un second front...
L'Abkhazie, c'est le même problème que l'Ossétie avec une donne islamique en plus et surtout, pour le Kremlin, une région à 'pacifier ' rapidement:Ce débouché du nord Caucase sur la mer Noire est toute proche de la ville russe de Sotchi.... où se tiendront les Jeux olympiques d'hiver de 2014, dont Moscou veut faire une vitrine.
Décidément, les choix du CIO devraient être ratifiés par l'ONU, avec Casques Bleus en réservistes. Le baron de Coubertin connaît le destin des idéalistes trahis : il est mort plusieurs fois...et on n'a pas fini de le tuer.
Dans ce contexte, l'évolution des situations sur le terrain et autour des tapis vert est peu prévisible. Dans le meilleur des cas, un cessez-le-feu sur cet espace paneuropéen où devrait régner l'esprit de paix et du dialogue du Conseil de l'Europe permettrait d'arrêter le massacre, mais pas d'établir la paix... Ce « point chaud » risque de rester brûlant très longtemps. Sauf si (mais ne rêvons pas !) les Européens avaient le courage et la cohérence d'imposer leurs vues, et à Moscou et à Washington. Car, en cette affaire, les deux « Grands » en cette affaire avec le feu, même si (ne serait-ce que par proximité), Le Kremlin est plus impliqué. En abusant de la « roulette caucasienne », la Bannière étoilée et l'Etoile rouge imposent une forme de « roulette russe » à la stabilité d'une zone déjà trop sismique d'un point de vue géopolitique. Mais les vues européennes ne sont pas très claires... Parce qu' « on » ne regarde pas suffisamment les cartes, peut-être...
Ce n'est pas « l'Europe » qu'ils faut montrer du doigt : ce sont les gouvernements qui sont chargés de la construire. Mais le Caucase ne préoccupe guère les opinions. Qui oublient ou ne savent pas que l'Union européenne a déjà une frontière sur la Mer Noire. Qui comprennent mal ce puzzle digne des Balkans Et qui oublient que l'Iran n'est pas très loin de cette Transcaucasie dont dépend en aprtie la sécurité énergétique de l'Europe! Alors... Comme en d'autres circonstances, « on » se réveillera trop tard à Paris et ailleurs et « on » pleurnichera sur « l'impuissance européenne ». Une fois de plus.
Daniel RIOT
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