Qui est-il cet Ivanov ? Sans doute pas un héros. Dès le début, il est importuné par son intendant, Borkine, qui le met en joue avec un fusil, puis lui propose une affaire qu’il prétend prometteuse. Il ne fera d’ailleurs que ça, Borkine, et alimentera une mauvaise réputation. Car peut-on dire qu’Ivanov a épousé Anna Petrovna par intérêt comme le prétendent les gens alentour ? Tchekhov laisse se répandre un couplet antisémite au sein de cette société de profiteurs qui cherchent dans ces discours à justifier leurs propres bassesses. Bien sûr Ivanov se laisse séduire par une autre femme, mais il ne semble pas pire que n’importe quel homme de cette pièce de théâtre. S’il y a de la brutalité, elle vient d’abord des autres, de ceux qui se mêlent des affaires d’autrui. Et Ivanov est complètement perdu dans cette histoire. On en rit parfois. Mais on rit du mépris de Borkine à l’égard de celui qu’il prétend aider à gérer. Dans le rythme où nous entraîne la mise en scène de Christian Benedetti, qui respecte les silences et les mouvements écrits par Tchekhov, les spectateurs sont tenus et prêts à croire à la culpabilité d’Ivanov, doutant de sa sincérité jusqu’à la fin, lui qui, à 35 ans, se sent déjà si vieux !
Et, pour reprendre le vers de Musset à propos de Molière, on pourrait dire, en sortant de ce théâtre : « Que, lorsqu'on vient d'en rire, on devrait en pleurer ! »
J'ai vu ce spectacle au Théâtre-Studio d'Alfortville (94)