L'animal feula, terrorisé. Il était superbe, sa fourrure détonnait avec la couleur des maisons du village. Ses poils brûlants se hérissèrent, et il sortit les crocs. Camille fit un pas de plus, la bête l'imita. Puis un autre, et l'animal fit de même. Puis il baissa la tête, comme pour se laisser caresser, et Camille fit encore un pas, le dernier. Elle s'agenouilla, et l'animal la regarda longuement.
Elle eut l'impression que la bête pleurait.
Ce passage du prologue, qui ne dit pas son nom, donne d'emblée envie au lecteur d'en savoir davantage. Le nom de Camille, dont la police ignore l'existence pendant un bon moment, n'apparaît qu'un peu plus loin, à la faveur d'un récit qui remonte au 12 juin 1991...
En attendant de comprendre pourquoi ce retour en arrière, le lecteur apprend peu à peu que deux crimes ont été commis dans la région de Vevey, l'un dans les hauteurs de Jongny, l'autre dans un marécage perdu au milieu de la réserve des Grangettes de Noville.
Le mode opératoire est le même. Les deux corps ont été carbonisés et, à proximité, dans chacun des deux cas, le cadavre d'un renard a été trouvé, l'un cloué sur la porte de la maison de la première victime, l'autre planté sur le tronc d'un arbre à l'aide d'un grand clou.
Les deux crimes sont sûrement liés, d'autant que les deux victimes, Christiane et Gabriella, se connaissaient et que le lecteur sait déjà par le récit de 1991 qu'elles vont participer avec deux autres amies, Marie et Camille, à une virée à Genève pour la grève des femmes.
Quelques mois plus tôt, l'inspectrice principale Maude Colomb a été promue à la tête de la Criminelle de Vevey, après être passée par les Stups et les Moeurs. Ayant la confiance de son chef, elle ne peut se permettre de la trahir et doit obtenir des résultats très rapidement.
La presse s'est emparée de ces crimes et est en train d'alerter le public sur le danger que représente un tueur en série en liberté. Heureusement Maude Colomb peut compter sur une équipe à la hauteur et a elle-même des aptitudes physiques que celle-ci pourrait lui envier.
La solution de l'énigme se trouve dans des événements fatidiques qui se sont produits trente ans auparavant autour de la date historique du 14 juin 1991 et qui sont rapportés partiellement par l'auteur, parallèlement au récit de l'enquête menée par les policiers de Vevey.
Le lecteur attendra patiemment les dernières pages de Larmes de renard pour comprendre pourquoi le ou, vraisemblablement, les meurtriers ont exposé des dépouilles de renard, brûlé les corps de Christiane et Gabriella, et apprendre le sort réservé à Camille, puis à Marie.
Au cours du récit Matteo Salvadore fait entendre la voix de Camille, la vingtaine, aux prises avec un père imbu de son autorité et qui ne veut pas lui laisser la bride sur le cou. Aussi le lecteur peut-il penser qu'il détient là la clé de l'énigme, mais ce serait trop simple...
Francis Richard
Larmes de renard, Matteo Salvadore, 346 pages, Plaisir de Lire