" Je n'aime pas les habitudes, les charentaises dans lesquelles on pantoufle, mais comment résister aux névroses, si jouissives à interpréter ? C'est comme un exorcisme. Et puis, je n'ai pas besoin de me documenter ! " (Michel Blanc, le 12 janvier 2010 dans "Le Figaro", à propos du film "Une petite zone de turbulences" d'Alfred Lot, sorti le 13 janvier 2010, dont il est le coscénariste et l'acteur principal).
L'acteur Michel Blanc fête son 70 e anniversaire ce 16 avril 2022, six jours avant François Berléand. Il est connu de tous les Français par ses nombreuses participations au cinéma, au théâtre et à la télévision. Il a fait partie de la troupe mythique du Splendid qui a donné de brillants comédiens dans l'humour très français. Mais Michel Blanc ne voulait pas rester l'éternel bronzé.
Reconnu plutôt "tardivement" par la profession, il a reçu un Molière du meilleur adaptateur en 2004 et a été nommé cinq autres fois entre 1992 et 2005 ; et il a reçu aussi deux Césars en 2012 et en 2021 (qui est un César anniversaire avec la troupe du Splendid, sorte de rattrapage pour les succès de la troupe peu appréciés des amateurs de "cinéma d'art et d'essai"), et a été nommé sept autres fois entre 1985 et 2008. J'exagère en fait sur la reconnaissance tardive, car son tournant de carrière a été salué par une récompense qui a compté, en 1986, avec le Prix d'interprétation masculine au Festival de Cannes pour "Tenue de soirée" qui fut sa première reconnaissance de la profession.
Il y aurait en effet deux Michel Blanc... Le jeune chauve et moustachu, qui est un chauve triste, solitaire, à la limite de la dépression, en tout cas, désespéré, en opposition avec un autre chauve du Splendid, le sympa, le jovial, le collectif, le bon compagnon, qu'est Gérard Jugnot... enfin, je suis dans la caricature et je parle évidemment des rôles de Michel Blanc et pas de sa propre personnalité, c'est parfois difficile de faire la différence tant des réalisateurs utilisent justement la personnalité de leurs principaux acteurs pour raffermir les personnages de leurs fictions. Mais ce n'est pas toujours le cas, qui de l'acteur ou de son personnage l'emporte sur l'image publique ? En tout cas, il est dans la vraie vie l'hypocondriaque et l'angoissé de nombreux de ses personnages, ce qui le rend bien sûr authentique, authentiquement névrosé !
Michel Blanc, il a commencé fort, ce qui lui a valu, comme pour ses amis du Splendid, une certaine caricature dont est parfois difficile de sortir si on souhaite jouer d'autres rôles, différents. C'est bien sûr la série réalisée par Patrice Leconte, ou du moins, les deux premiers numéros du film des Bronzés (le premier est sorti le 22 novembre 1978) qui l'ont fait connaître, surtout le deuxième, "Les Bronzés font du ski" (sorti le 21 novembre 1979), lui qui n'attend qu'une chose, de "conclure" (c'est-à-dire, de faire crac-crac !), avec une stratégie du désespoir : abandonnés en pleine montagne, au froid dans la neige, puisqu'on va mourir, autant conclure entre-temps. C'est l'histoire de la panne d'ascenseur avec le canon de l'entreprise.
Ses premiers films ont eu ce même genre de rôle, comme dans une autre comédie du Splendid réalisée par Jean-Marie Poiré, "Le Père Noël est une ordure" (sorti le 25 août 1982), où il joue un obsédé sexuel, ou encore dans "Viens chez moi, j'habite chez une copine" de Patrice Leconte (sorti le 28 janvier 1981), où l'on retrouve le dragueur désespéré, tout comme dans "Marche à l'ombre" (sorti le 17 octobre 1984), sur fond de chansons de Renaud qui suit dans la génération, mais avec une différence de taille : Michel Blanc, qui se permettait de faire certains scénarios et dialogues, a décidé d'être derrière la caméra, du moins, derrière et devant la caméra, et cela a donné un film beaucoup moins comique et un peu plus dramatique, toujours en duo, lui le mal foutu avec un autre, pas forcément mieux installé mais plus sérieux, plus fort, plus héros.
Dans "Marche à l'ombre", Michel Blanc évoque les squats des sans-papiers africains : " Trente ans plus tard, rien n'a changé... La seule différence, c'est qu'aujourd'hui, on n'oserait plus faire de comédie sur ce genre de situation. À l'époque, c'était possible. Même si personne ne le faisait. (...) Je voulais prouver qu'on pouvait faire rire en dehors des beaux quartiers. ", allait raconter Michel Blanc le 19 octobre 2018 (dans "VSD").
En tout cas, il y avait manifestement, et depuis longtemps, un second Michel Blanc qui mijotait, effectivement plus dramatique que comique, avec des personnages de plus de maturation, et le jeu de plus de maturité, presque le physique a changé, pas forcément l'âge qui enlève le lissage de la jeunesse, mais peut-être la moustache en moins et les lunettes en plus.
Certains l'avaient déjà compris avec "Marche à l'ombre", aussi avec "Tenue de soirée" de Bertrand Blier (sorti le 23 avril 1986) aux côtés de Miou-Miou et Gérard Depardieu, une histoire assez glauque où l'homosexualité est traitée à une époque beaucoup moins tolérante que maintenant. Mais c'est surtout avec "Monsieur Hire" de Patrice Leconte (sorti le 24 mai 1989) qu'on peut être désormais convaincu du grand art dramatique de Michel Blanc (sur une œuvre de Georges Simenon), un voyeur esseulé et amoureux, aux côtés de Sandrine Bonnaire. Probablement son meilleur rôle s'il fallait n'en choisir qu'un. Ce qui est notable, d'ailleurs, c'est que Patrice Leconte avait pensé à Coluche pour ce rôle, lui aussi qui a fait un tournant dramatique avec "Tchao Pantin", mais sa mort a bouleversé le casting. Michel Blanc a pensé que c'est sa reconnaissance à Cannes qui a encouragé Patrice Leconte à sortir des sentiers battus et à lui confier un rôle nouveau.
À ce second Michel Blanc, il faut aussi ajouter le réalisateur et pas seulement l'acteur. Après "Marche l'ombre", son deuxième film comme réalisateur fut aussi une surprise, "Grosse Fatigue" (sorti le 26 mai 1994) où il joue son propre rôle en acteur victime d'un sosie. Ce film, qui reprend une mésaventure d'usurpation d'identité vécue par Gérard Jugnot, est intéressant car il évoque en toile de fond un sujet qui sort vraiment dans l'espace public que depuis quelques années, l'abus sexuel de jeunes femmes dans le secteur du cinéma (ici, Michel Blanc est accusé d'avoir abusé sexuellement Josiane Balasko, Charlotte Gainsbourg et Mathilda May, mais il va prouver son innocence).
Parmi les films ultérieurs, on peut citer "Je vous trouve très beau" d'Isabelle Mergault, le premier film de cette dernière (sorti le 11 janvier 2006), où Michel Blanc joue un paysan veuf et râleur en recherche de remplaçante roumaine pour les tâches ménagères et agricoles, avec Medeea Marinescu et Wladimir Yordanoff ; et aussi "Les Souvenirs" de Jean-Paul Rouve (sorti le 14 janvier 2015), une adaptation d'un excellent roman de David Foekinos, où Michel Blanc partage la vedette avec Annie Cordy, Mathieu Spinosi et Chantal Lauby, dans une histoire qui reste fidèle au livre (le scénario est coécrit par l'auteur).
Enfin, j'ai gardé pour la fin (faim) le film de Pierre Schoeller "L'Exercice de l'État" (sorti le 26 octobre 2011) qui m'a beaucoup déçu, malgré son succès commercial et ses critiques élogieuses dans la presse (Michel Blanc doit son unique César à ce film). C'est toujours dur de faire un film sur le fonctionnement de la vie politique actuelle. Au moins, il n'a pas le problème d'une biographie historique (sujette à caution) et reste dans la fiction. Néanmoins, j'ai trouvé très décevant ce film car on voit les différents personnages s'afférer, mais de manière assez désordonnée, le scénario n'apporte aucun élément pour comprendre les enjeux, savoir pourquoi ils agissent, au contraire de l'excellent film (et bande dessinée) " Quai d'Orsay".
En somme, on en met plein aux yeux des spectateurs mais comme s'ils ne devaient rien comprendre, avec des scènes qui pourraient relever du surréalisme sinon de l'antiparlementarisme (la conduite sur une autoroute encore fermée au public, et bien sûr, la fameuse scène de la femme nue engloutie dans un crocodile au pied du bureau du ministre). Michel Blanc joue le rôle du dircab (directeur de cabinet) d'un ministre du gouvernement, aux côtés d'Olivier Gourmet (le ministre), Zabou Breitman et Laurent Stocker. On impose à ce ministre une réforme qu'il réprouve tout autant que son équipe qui l'assiste, mais finalement, il change de ministère et son dircab réintègre son corps d'origine, quittant le pouvoir qui n'en veut plus. Certains personnages joués par Michel Blanc sont tristes. Celui-ci est excellemment interprété par lui, mais, à mon humble avis, est desservi par le scénario. La difficulté est que c'est la rencontre de deux mondes complètement différents, celui du cinéma et celui de la politique, et si, deux ans plus tard, "Quai d'Orsay" a tant marché, c'était parce que le scénariste avait été un membre du cabinet et connaissait personnellement son fonctionnement.
Allez, je finis par cet extrait de "Télémagouilles", excellent sketch des Inconnus qui date de 1990 et qu'on ne pourrait plus écrire de nos jours de peur d'être taxé de raciste...
" L'animateur : Eh bien, Mamadou, je vous donne des noms de personnalités et vous allez me dire s'ils sont blancs ou noirs.
Mamadou : D'accord.
L'animateur : Attention, il faut être rapide : Michel Blanc.
Mamadou : Blanc.
L'animateur : Bravo. Éric Blanc.
Mamadou : Noir.
L'animateur : Gérard Blanc.
Mamadou : Blanc.
L'animateur : Michel Noir.
Mamadou : Blanc.
L'animateur : Attention, il y a un piège : Michael Jackson.
Mamadou : Hum, gris.
L'animateur : Gris, bravo Mamadou ! Formidable réponse de Mamadou ! ".
Rideau !
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Sylvain Rakotoarison (09 avril 2022)
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