L’ambiance était conviviale et décontractée à la Station culturelle, 33 rue Perrinon, Fort- de – France, ce soir 14 avril 2022 lors de la présentation de la revue Sika par Estelle Lecaille. Sika est une toute nouvelle revue. Apparu dans le prolongement de résidences d’artistes entre le Bénin et la Belgique et surtout de la frustration de leur pause, due au covid, et du désir de continuer à valoriser les démarches artistiques, ce magazine est un espace de paroles et d’écritures multiples où les vocabulaires de la création artistique contemporaine croisent les mouvements de la pensée postcoloniale. Née de la conviction que notre monde globalisé ne peut se comprendre sans aborder les relations historiques et asymétriques de pouvoir qui le sous-tendant, la publication Sika se propose d’en faire l’état depuis Bruxelles, ville-monde insérée dans les réseaux de l’histoire coloniale et de la construction politique européenne. Elle a été initiée par Estelle Lecaille, fondatrice de la plateforme curatoriale indépendante Mòsso et Pierre-Philippe Ayoh Kré Dûchatelet de la Villa Hermosa dans le cadre de l’appel à la diffusion d’outils d’Education à la Citoyenneté Mondiale et Solidaire et des productions par Africalia en 2019.
C’est une revue gratuite, à la périodicité fluctuante sur le principe de deux parutions annuelles, dont le premier numéro a été diffusé en 2021. Le troisième numéro sera publié très bientôt. Les mille exemplaires sont diffusés dans les écoles d’art, les bibliothèques d’art, quelques librairies indépendantes à Paris et à Bruxelles ainsi qu’au Benin et au Sénégal, bientôt en Afrique du Sud. En Martinique, ils seront disponibles à la Station Culturelle mais vous pouvez aussi les télécharger sur http://editionsika.be/
Conçu comme une alternative curatoriale, chaque numéro adopte un format original et étonnant, propose une piste de réflexion sur un thème choisi, susceptible de trouver un prolongement dans une exposition. Les textes sont publiés dans la langue de leurs auteurs, anglais, français, néerlandais, pour refléter la réalité multilinguistique de Bruxelles. Les images plutôt que de simples illustrations sont sélectionnées pour entrer en dialogue avec les textes. Ainsi le numéro 3, sur Toxicité et contamination, accueille des œuvres de plasticiens des départements français des Amériques : Minia Biabiany, Nicolas Derné, Glwadys Gambie. Une bibliographie en dernière de couverture permet de prolonger la réflexion. Vous pouvez même accéder sur le site à une playlist, spécialement créée pour le premier numéro par Rokia Bamba.
Le choix du titre Sika, un prénom féminin, comme le nom de la plateforme curatoriale indépendante fondée par Estelle Lecaille, Mòsso, reflète, conformément à la richesse polysémique des mots, la quête de voix et de sens multiples. Sika est à la fois un prénom féminin béninois, un prénom en langue fon que l’on peut donner aux filles qui naissent le lundi. mais désigne aussi l’or, la monnaie, ce qui est précieux en langue akan ou encore signifie la vérité en turc. Mosso évoque la vitalité, le mouvement de la mer en italien. En chinois, sous différentes retranscriptions graphiques, c’est une ethnie matrifocale. Rien d’étonnant à ce que l’équipe internationale et bruxelloise de Mòsso, plateforme active de producteurs culturels, de chercheurs et d’universitaires axés sur le Sud Global, ses cultures contemporaines et ses modernités, réunisse quatre femmes : Lucrezia Cippitelli , Estelle Lecaille , Rosa Spaliviero , Emilie Wattellier aux parcours riches et divers. Mòsso, parmi d’autres projets à découvrir sur le site, a mené des résidences d’artistes au Bénin pendant quatre ans de 2014 à 2019, avant de poursuivre avec Sika l’abolition des frontières imaginaires, le décloisonnement des systèmes de pensées et des constructions mentales liées à l’autre, permettant de comprendre que nous ne formons qu’une seule et même communauté humaine vivante.