ESPRIT PANAF : Communications au SILA 2022

Par Gangoueus @lareus
Je me suis de nouveau rendu en Algérie. Une invitation officielle du commissaire du salon international du livre d'Alger par l'entremise du professeur Benaouda Lebdai qui assurait cette année la programmation du stand Esprit Panaf...

Esprit Panaf


Il est toujours bon de rappeler le contexte. Le stand Esprit Panaf au SILA a vu le jour en 2009 dans la foulée de la deuxième édition du festival panafricain d'Alger qui en 2009 réunit à Alger rassembla des milliers d'artistes d'Afrique subsaharienne dans la capitale algérienne. Écrivains, artistes plasticiens, musiciens... Une énorme manif qui était une célébration qui avait déjà eu lieu en 1969. Une petite recherche sur Google vous permettra de mesurer la densité de l'événement de 1969 et le succès de sa réédition en 2009. Les experts m'indiqueront combien de salons et d'événements autour du livre en Afrique offrent de tels ponts entre le Maghreb et l'Afrique subsaharienne. Je préfère d’ailleurs parler d’Afrique du Nord plutôt que de Maghreb, tellement dans l’esprit de nombreux algériens, Afrique et Algérie, ça fait deux. Pourtant, plus panafricain dans les faits que l’Algérie, je ne sais pas…
Pour revenir à l’Esprit Panaf, un élément très encourageant dans le cadre de l’édition 2022 du SILA est le fait que ce stand a été replacé au coeur du salon international du livre d’Alger. Mon intervention ayant lieu le samedi 26 mars dans l’après midi, j’ai pu mesurer l’affluence du public qui s’arrêtait pour suivre les débats animés sur cet espace. Le débat sur la restitution des oeuvres d’arts africaines par l’Occident a suscité des prises de parole passionnées sur les enjeux de la question et la nécessité de la sensibilisation par le biais de la fiction. Sissi Ngom auteure sénégalaise du roman Le silence du totem (éd. L’Harmattan) et Abderrahmane Khalifa, historien et archéologue algérien ont permis des échanges d’une très grande qualité. Parlons-en.

Echange entre une sénégalaise et un algérien

Abderahmane Khelifa est l’auteur de plusieurs ouvrages en lien avec ses recherches archéologiques qu’il a réalisées sur de nombreux espaces de l’Algérie. Dans le cadre du SILA, il présentait La Qal’a des Beni Hammad : Reine du Hodna, de l’Aurès et des Ziban. Il s’agit d’un site archéologique comprenant les vestiges d’une ancienne place forte relative à une dynastie berbère. Pris, par le débat sur la restitution des oeuvres d’arts à de nombreux pays africains, Abderahmane Khélifa a très peu parlé de son ouvrage sur ce site classé au patrimoine mondial. Par contre, il est revenu sur les enjeux de la restitution et surtout ceux du pillage et/ou de l’extraction de ces oeuvres d’arts pendant la colonisation : rompre le lien de l’Africain avec son patrimoine et les symboles qui nourrissent son imaginaire. On parle de l’Africain, ici, parce que les expériences sont communes, que ce soit en Algérie, au Sénégal ou au Congo. Ses nombreux travaux de recherche participent à la reconstruction d’une histoire que la colonisation s’est évertuée à effacer le souvenir de temps glorieux. Celui, les anciens occupants de cette terre faisaient face à a mer. Celui de la généalogie de Jugurtha, roi numide qui ami de Rome pendant les guerres Puniques qui finit par s’opposer à cette dernière. Il scande 6 générations de rois avant Jugurtha qu’il oppose à la mort de Vercingétorix en -46 avant Jésus-Christ. L’histoire commence quand ? Quand a-t-on effacé des pans de l’histoire de la mémoire de certains peuples colonisés.
Dans Le silence du Totem, un objet rituel interpelle une jeune femme qui visite le Musée du Quai Branly. Elle évoque la question de la mémoire amputée et du sens profond de la présence de certaines oeuvres pillées dans les musées européens. Un roman qui a eu un puissant écho au moment de l’engagement français à poser des actes de restitutions, avec tous les phénomènes de résistance des institutions gérants ses objets.  A la question de l’enjeu de la fiction pour porter ce discours, Abderahmane Khelifa souligne son importance mais en garde aussi sur le fait que certains romanciers africains se font les vecteurs de manière inconsciente de certaines déformations sinon manipulations de l’histoire. Cette remarque m’a interpelé sur la place de la critique littéraire dans le questionnement plus subtil des oeuvres littéraires...

Communication

Dans ce cadre, je devais intervenir pour parler de la question des nouvelles prises de parole sur les produits culturels africains : cas de la littérature. L'occasion de refaire une veille sur  la production de contenus sur  les littératures afro. Booktube, Bookstagram, les réseaux sociaux de grands lecteurs sont de multiples supports possibles pour produire des discours sur des oeuvres littéraires afro. Je ne rentrerai pas dans le détail de cette communication. Après la critique universitaire, la critique des écrivains et celle de la presse culturelle, mon propos était de faire un état des lieux de la critique des grands lecteurs qui s’est imposée depuis une dizaine d’années par les outils du web 2.0 et du web 3.0. J’avais déjà abordé la question de l’esthétique des discours et de la mise en scène du lecteur dans une autre communication.
Une question m’a été posée : « En quoi consiste, le leadership dans ce domaine ? ». J’ai apprécié cette question qui pour moi, me permettait de reboucler avec les interventions précédentes et l’interpellation de Khelifa. C’est l’idée d’une prise de parole propre, produite à partir d’un prisme africain. Parler, donner sa version de la lecture, du discours, avoir une profondeur de lecture et le courage d’une critique engageante et structurante, construire une stratégie de communication autour du contenu proposé. C’est une première démarche. Le leadership porte aussi sur les instances de légitimation. Développer des instances indépendantes dans le choix des oeuvres et dans le financement des prix littéraires.