Voici un livre de la poète Françoise Ascal, consacré au fameux polyptyque de Matthias Grünewald (1470-1528) Le Retable d’Issenheim (conservé à Colmar), qui date de 1516, et dont la crucifixion particulièrement poignante et puissante dans l’expression de la souffrance est l’une des plus célèbres de l’histoire de la peinture.
Le livre de Françoise Ascal comporte huit parties, où la poète aborde successivement chaque panneau du polyptyque (Crucifixion, Résurrection, Saint Antoine) mais aussi le contexte historique de la création de cette œuvre dans la première partie, les éléments biographiques sur Matthias Grünewald dans la troisième partie, les aspects techniques de sa peinture dans la cinquième, et nous retrouvons donc tous les éléments d’un livre d’histoire de l’art classique, mais avec une écriture ciselée et poétique. Et on peut supposer qu’il y eut de la part de la poète un riche travail de documentation et de recherches historiques précises sur ce tableau, en amont de l’écriture.
Note pratique sur le livre
Editeur : L’herbe qui tremble
Date de publication : avril 2021
Accompagné de dessins de Gérard Titus-Carmel
Publié avec le soutien du Centre National du Livre
Nombre de pages : 90
Note sur la Poète
Née en 1944, Françoise Ascal est poète, écrivain, calligraphe et artiste visuelle. Elle vit et travaille dans un village de Seine et Marne. Depuis les années 80, elle a publié une quarantaine d’ouvrages (poésie, prose, récit) et ses textes figurent dans une dizaine d’anthologies. Elle a travaillé avec des peintres, un calligraphe, un vidéaste. (Source : Wikipédia)
Quelques poèmes
Extrait de la 3ème partie « L’homme ordinaire »
(Page 46)
Il faut attendre 150 années pour que les trois lettres
MGN
attirent l’attention du peintre Joachim von Sandrart
premier historien d’art
passionné par votre œuvre
collectant sans relâche la moindre information
il parvient à vous attribuer un nom pérenne
pourtant ce n’est pas le vôtre
celui-ci on l’ignore toujours
après la mort de Sandrart
vous retournez au purgatoire
deux siècles encore
avant que de nouveaux regards s’éprennent de votre œuvre
avant que des artistes en voient la modernité
qu’ils en entendent le cri
avant qu’Otto Dix Beckmann Picasso et d’autres l’exhument
définitivement de l’ombre
c’est votre seconde résurrection
**
Extrait de la 4ème partie « La Crucifixion »
(Page 51)
dans le secret de votre âme
quels doutes ont malmené votre foi
quelles questions l’ont travaillée pour l’emporter loin des
canons obligés
vers cette zone humble qui gît en chacun
minuscule territoire mal exploré mal cultivé qui n’a pas de
nom mais pourrait s’appeler compassion
**
Extrait de la 5ème partie « Le métier »
(Page 65)
A force de superpositions savantes
de variations d’épaisseur de teintes et de saturation
vous accédez à la couleur juste
celle où vous porte votre exigence
une eau transparente autant que profonde
une translucidité de rêve
surface qui diffuse la lumière et s’anime
épiderme fragile laissant affleurer dans ses strates
l’ombre de nos inconscients
**
Extrait de la 7ème partie « Résurrection »
(Page 80)
résurrection
comment ne pas y reconnaître une expérience intime
quelle vie n’a pas été
traversée/renversée
par une seconde illuminante
temps suspendu espace aboli
saveur d’éternité au sein du plus banal
et peu importe qu’aussi vite la vague reflue
en se retirant elle laisse au coeur
un parfum une musique
un espoir
mémoire de l’éphémère ébloui
irriguant nos vies
provisoires
**
Retable d’Issenheim (fermé) avec La Crucifixion