Dans une tribune publiée par l'Opinion, Florence Tondu-Mélique, PDG de Zurich France, se penche sur l'émergence du concept de métavers et explore quelques-unes de ses opportunités pour le secteur de l'assurance. Mais, au-delà de ce premier aperçu, quels sont les risques à couvrir et, surtout, comment pourront-ils être appréhendés ?
En dépit de l'emballement médiatique, déclenché et alimenté par la transition stratégique de Facebook à l'automne dernier, nul ne sait quel sera l'avenir de la tendance ni à quelle échéance les promesses se concrétiseront, le cas échéant. Il est néanmoins aisé de comprendre pourquoi le sujet suscite autant d'intérêt : imaginez que s'ouvre soudain à votre entreprise, dont les métiers historiques présentent des perspectives de développement limitées, un nouvel univers, virtuel, dans lequel tout est à construire !
Devant une occasion aussi unique, les états-majors des grands groupes, dans toutes sortes d'industries (la banque, le luxe, la grande distribution…, pour ne citer que celles qui sont déjà entrées dans la danse), sont certainement en ébullition, réfléchissant aux options les plus pertinentes et à leur potentiel commercial, dans les implémentations existantes ou dans les projections futuristes. Pour les assureurs, il s'agit d'abord d'identifier les risques spécifiques, avant d'envisager la création de produits dédiés.
Le premier réflexe consiste logiquement à prolonger les travaux engagés en direction de la protection de la vie numérique, bien que cette ligne rencontre elle-même des difficultés. Après tout, les enjeux de cybersécurité ne sont guère différents selon les médias considérés et il en est probablement de même pour ce qui concerne la confidentialité des données personnelles ou encore le harcèlement en ligne, quoique, dans ce registre, émergent dès aujourd'hui certaines particularités, perturbantes.
Un autre domaine, plus original et extrêmement attractif, touche aux actifs « digitaux ». Depuis les objets, accessoires et autres vêtements destinés à agrémenter l'expérience de l'utilisateur dans un monde immersif jusqu'aux terrains et bâtiments que commencent à accaparer les plus enthousiastes, la notion de propriété virtuelle prend de l'ampleur, parfois à des prix extravagants. Or, comme avec leurs équivalents réels, ces biens peuvent être dérobés ou subir des dommages et, donc, mériter d'être assurés.
Cependant, avant d'en arriver là, les compagnies qui souhaiteront tenter l'aventure devront s'imprégner de toutes les dimensions du métavers, notamment dans ce qui le distingue de l'environnement physique habituel. Florence Tondu-Mélique évoque par exemple la volatilité des valeurs, qui pose effectivement un problème majeur dans l'hypothèse d'une indemnisation en cas de sinistre. Mais, dans les mêmes circonstances, quid de la monnaie employée : faudra-t-il prévoir des réserves de cryptodevises ?
Plus profondément, apparaît ensuite la question de l'évaluation quantitative du risque. Les actuaires pourront-ils continuer à se contenter d'approches statistiques, telles qu'ils les pratiquent depuis des siècles, ou bien seront-ils contraints d'intégrer de nouveaux types de critères dans leurs modèles : qualité du code informatique sous-jacent (qui sera alors soumis à une analyse minutieuse), moyens de traçabilité des interactions (pour valider une prise en charge), possibilités de recours sur les plates-formes…?
Ce qui se dessine derrière ces spéculations dépasse largement le seul spectre des métavers et de l'eldorado qu'ils représenteront un jour… ou non. Ce sont tous les défis de la « digitalisation » de notre quotidien qui ressortent ici, entraînant des conséquences plus ou moins visibles et pourtant considérables sur la manière de concevoir l'assurance. Quel que soit l'univers dans lequel elle s'inscrit, elle ne pourra poursuivre sa mission qu'à la condition d'être intimement combinée avec une démarche hyper-technologique.