Bon, je voulais attendre de l’avoir reçu avant de vous en parler, mais comme ma boîte aux lettres reste désespérément vide et que je quitte les lieux dans les prochaines heures, je vends la mèche sans la preuve concrète dans les mains…
Donc, les personnes de qualité qui lisent la revue « Défense Nationale et Sécurité Collective » et qui fréquentent ce blog auront le plaisir d’y découvrir, dans la dernière livraison, un article de la main de votre serviteur intitulé : « Contre-insurrection en Colombie, état des lieux ». Les habitués savent que c’est un sujet qui me tient à cœur sur lequel j’avais déjà commis plusieurs billets.
L’article publié par DNSC revient succinctement sur l’histoire récente de la Colombie, présente la stratégie de l’action intégrale, en souligne les succès, s’attarde sur les efforts qu’il reste encore à accomplir puis tente d’en dégager les enseignements ainsi que les particularismes qui font que certains aspects peuvent nous inspirer tandis que d’autres sont propres au contexte colombien. En particulier, et par rapport à la doctrine française actuelle du continuum intervention/stabilisation/normalisation, j’essaie de montrer que les stratèges colombiens sont en train de réussir la stabilisation (la phase d’intervention étant sans objet dans le cadre d’une guerre civile opposant un gouvernement loyaliste à un mouvement insurrectionnel intérieur), mais qu’ils doivent désormais penser cette étape cruciale de la normalisation, peu étudié dans nos contrées car, et c’est à mon humble avis une tendance un peu trop optimiste, considérée comme allant presque de soi. Au vu de la situation, encore une fois particulière, de la Colombie, il apparaît que le maintien de l’effort « intégral », avec une montée en puissance accrue des pôles économiques, politiques et sociaux, est indispensable pour que la normalisation puisse s’achever sous peine de voir les efforts stabilisateurs ruinés. La stabilisation est une posture vertueuse, mais il faut aussi songer, anticiper même, la phase normalisatrice sous peine de trop privilégier les actions sécuritaires au détriment des initiatives de retour à la paix civile.
Il faut noter que l’article avait été écrit bien avant la libération d’Ingrid Bétancourt, ce qui a nécessité quelques corrections de dernière minute. Bien que ce ne fût pas du tout le sujet principal, je m’y montrais, dans la version initiale, très critique à l’égard de la posture diplomatique française sur le dossier, la jugeant largement contreproductive. Après coup, on peut considérer qu’en jouant une partition « humanitaire » et complaisante, les autorités françaises ont, bien involontairement, permis la réussite du plan colombien.
Je profite de l’occasion pour remercier ici les personnes qui m’ont inspiré et ont contribué, directement ou indirectement, à la naissance de cet article. Ainsi, parmi mes amis blogueurs francophones, Joseph Henrotin répondit gentiment et avec érudition à mes premières questions maladroites ; Stéphane Taillat m’inspira par sa vaste connaissance des mécanismes contre-insurrectionnels contemporains et ses encouragements à écrire ; Olivier Kempf, magnifique agitateur d’idées, toujours affuté et brillant, contribua à ouvrir des voies nouvelles. Sans oublier, bien sûr, tous les lecteurs et intervenants de ce blog pour leur intérêt, leurs remarques, leurs critiques pertinentes et leurs encouragements. Cet article est aussi le produit de nos échanges.
De l’autre côté de l’Atlantique, je remercie infiniment mes parents et amis pour, avec sensibilité et intelligence, m’avoir ouvert les yeux sur une réalité qui n’a que fort peu à voir avec ce qu’en rapportait certains médias par trop superficiels, voire purement et simplement désinformés. La publication de cet article à destination du public français, c’est aussi une promesse que je tiens, du moins pour une petite partie : celle de montrer à nos concitoyens que la situation qui prévaut là-bas n’est pas forcément aussi manichéenne ou désespérée qu’on veut bien nous le dire parfois.
Le fait d’avoir voyagé là-bas m’a aussi permis de comprendre à quel point la stabilisation contre-insurrectionnelle vertueuse doit se mesurer à l’aune de la vie quotidienne des citoyens sur le terrain : vaincre un ennemi subversif intérieur, ce n’est pas seulement « casser » du rebelle. Pour la population, c’est pouvoir envoyer ses enfants à l’école sans crainte, pouvoir sortir le soir sans escorte, savoir qu’on peut penser à l’avenir… La stabilisation, c’est aussi et peut-être surtout donner la sécurité aux gens pour leur permettre de réaliser, librement et l’esprit serein, leurs projets pacifiques de développement individuel et collectif.
J’espère que vous serez nombreux à lire cet article et à l’apprécier.