François Léotard sous le soleil d’Emmanuel Macron

Publié le 25 mars 2022 par Sylvainrakotoarison

" Je crois qu'il y a chez Macron une extraordinaire bonne volonté. (...) L'énergie et l'intelligence du Président Macron sont incontestables. Il a assumé avec dignité ses responsabilités à la fois nationales et européennes. " (François Léotard, le 5 mars 2022 dans "Le Point").

Qui se souvient encore de François Léotard ? En retrait de la vie politique depuis plus d'une vingtaine d'années, probablement que son opinion aura peu d'influence sur l'électorat, du moins l'électorat jeune, des moins de 40 ans. Ce samedi 26 mars 2022, l'ancien ministre fête ses 80 ans, un âge canonique pour celui qui était le génie précoce de la politique française, né électoralement en 1977 avec la mairie de Fréjus (une revanche sur le sort de son père) et en 1978 avec son premier mandat de député du Var qui lui assura rapidement un écho national.
Ancien séminariste et toujours dans le doute (ce qui contrevient aux usages et coutumes de la classe politique), il est très étrange qu'il ait fait une telle carrière politique, frôlant les plus hauts sommets : énarque, député, ministre, d'abord à la Culture (1986 à 1988) puis à la Défense (entre 1993 et 1995) qui lui a valu son procès dans l'affaire Karachi. Il a été condamné le 4 mars 2021 en première instance à deux ans de prison avec sursis et 100 000 euros d'amende par la Cour de Justice de la République (CJR), mais l'affaire n'est pas encore jugée définitivement et il rejette toute responsabilité d'acte illégal dans le volet financier pour lequel il a été poursuivi. Dans un entretien à "Paris Match" le 3 février 2011, il précisait à propos des contrats dans l'affaire Karachi : " Tout le monde y était associé, Mitterrand, Balladur, Juppé. Le choix des intermédiaires a été avalisé par les plus hautes autorités de l'État. ".
Dès 1984, François Léotard, bombardé deux ans plus tôt par Valéry Giscard d'Estaing à la tête du Parti républicain (PR), lui-même ayant refusé de le nommer ministre avant la réélection qui n'a jamais eu lieu !, faisait partie des présidentiables pour l'élection de 1988, fustigeant dès 1987 dans un psychodrame gouvernemental les "moines soldats" du RPR et sur le point de rompre avec Jacques Chirac. Mais le changement de génération n'était pas pour 1988 (il a fallu attendre 2007 !), et François Léotard, trop apparatchik, a raté le train des Rénovateurs du printemps 1989, mais pas celui du balladurisme triomphant. Il croyait en ses chances d'être le Premier Ministre d'un Président élu principalement par l'UDF, Édouard Balladur, même si Matignon restait à l'époque promis à des ténors du RPR ( Charles Pasqua, Alain Juppé ou Nicolas Sarkozy).
En 1995, la défaite d'Édouard Balladur (qui a apporté son soutien à Valérie Pécresse le 13 février 2022) a été le début de l'effondrement de l'influence politique de François Léotard. Président de l'UDF entre 1996 et 1998, il a cherché à conquérir la présidence du conseil régional de PACA pour la lourde succession de Jean-Claude Gaudin, mais refusant de s'allier avec les élus FN, il a perdu la présidence au bénéfice des socialistes. Contesté sur cette stratégie anti-FN au sein même de son parti (création de Démocratie libérale par Alain Madelin), il a quitté la présidence de l'UDF (reprise par François Bayrou avec son soutien) et mis fin définitivement à ses mandats électifs après la mort de son frère Philippe Léotard en été 2001, de gros ennuis de santé et des accusations folles et fausses (deux journalistes mal informés l'avaient accusé d'avoir commandité l'assassinat de l'ex-députée FN Yann Piat). Depuis cette date, il passe son temps à écrire ou à réfléchir, sans nourrir d'autres ambitions que de goûter la vie avec authenticité. De sa "bande à Léo" des années 1980 (Alain Madelin, Gérard Longuet, Philippe de Villiers, Jean-Jacques Descamps, Claude Malhuret, etc.), seul Gérard Longuet continuerait à le voir encore régulièrement.
De ce quart de siècle d'expérience politique, François Léotard en a tiré quelques ouvrages, en particulier "Ça va mal finir" (éd. Grasset) en 2008 : " Dans le monde sauvage des animaux politiques, il ne faut pas être sur le passage d'un prédateur. Je le sais, j'ai traversé imprudemment la savane. Chirac était un carnassier débonnaire. Avec lui, on était mort mais c'était sans rancune. Chacune de ses victimes, antilope déchiquetée et consentante, devenait digne d'une amitié nouvelle définitivement inoffensive. ".

L'entretien assez long que François Léotard a accordé à Florent Barraco et publié dans "Le Point" le 5 mars 2022 n'avait pas pour objectif de parler de l'élection présidentielle mais plutôt de la guerre en Ukraine. En tant que libéral assumé, François Léotard a été de toutes les batailles de libéralisation politique dans des pays sous dictature : " J'ai été aux côtés de Vaclav Havel à Prague, de Sakharov avec Élie Wiesel à Moscou, de Walesa en Pologne, au Liban contre l'invasion syrienne, etc. Si j'étais plus jeune, je recommencerais et j'irais me battre en Ukraine, même si tout cela est symbolique. À l'époque, il s'agissait de comprendre et, si possible, de soutenir ces révoltes. Voilà revenir le temps de l'engagement personnel et collectif. ".
Pour François Léotard, il était impossible de négocier avec Vladimir Poutine : " Poutine a choisi, comme tous les dictateurs, le mensonge comme l'un des outils de son pouvoir. C'est un menteur biologique e nostalgique... Macron, qui est à peu près le contraire de cet homme-là, a tout tenté avec bonne foi pour défendre l'idée même de la paix et du dialogue. C'est à la fois son honneur et son péril, car Poutine n'écoute que la force. Il est comme un enfant qui a triché et qui ne veut pas entendre qu'on le lui reproche. Et nous parlons à un voyou avec naturellement le plus grand respect. (...) Le char d'assaut est son véritable et unique argument. ". Pour finir par conclure : " On peut l'appeler pendant des heures, mais une fois qu'il raccroche, il fait le contraire. On discute et, pendant ce temps, les chars avancent ! ". Ou reculent, d'ailleurs.
La plus grande fermeté face à la Russie aurait probablement été plus efficace. François Léotard a toutefois noté deux changements de paradigme très encourageants. En premier, l'Allemagne va se remilitariser : " L'Allemagne a pris un tournant historique. C'est un sursaut salvateur. J'ai beaucoup travaillé à l'époque avec le Chancelier Kohl et le Ministre de la Défense, monsieur Volker Rühe. L'Allemagne voulait être la puissance pacifique au cœur de l'Europe. Ils s'étonnaient de nos efforts militaires. C'est nous qui avions raison. ".
L'autre changement, c'est la perspective d'une véritable défense européenne, annoncée au Conseil Européen du 11 mars 2022 à Versailles : " Emmanuel Macron a raison : nous devons arriver à une défense européenne qui soit crédible. J'en ai rêvé, j'espère qu'il va le faire. Il y a bien sûr la question de la langue, de la culture militaire de chaque pays. Il y a des difficultés très concrètes qui feront que ce sera long à se mettre en place. ".
Et Emmanuel Macron alors ? François Léotard a été clair et précis : " Dieu merci, ça bascule du côté d'Emmanuel Macron. Et il le mérite ! (...) Dans le chaos qui entoure cette crise, c'est le seul qui en sort indemne. Mon choix est fait : c'est Macron, mais sans aveuglément. ". Un soutien sans ambiguïté dans une course présidentielle pour laquelle il n'a aucune illusion : " Au fond, qu'est-ce que c'est que cette histoire d'élection d'un Président au suffrage universel ? Je parle de la nôtre, la française, la plus stupide dans sa brutalité même. On sait maintenant que cela rend les candidats fous et les électeurs légèrement ivres... " ("Ça va mal finir", 2008).
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (20 mars 2022)
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Pour aller plus loin :
La posture libérale en France.
Son frère.
François Léotard.
Claude Malhuret.
Valéry Giscard d'Estaing, le rêveur d'Europe.
Jean-Pierre Raffarin.
Jean-Pierre Fourcade.
Jean de Broglie.
Christian Bonnet.
Gilles de Robien.
La France est-elle un pays libéral ?
Benjamin Constant.
Alain Madelin.
Les douze rénovateurs de 1989.
Michel d'Ornano.
Gérard Longuet.
Jacques Douffiagues.
Jean François-Poncet.
Claude Goasguen.
Jean-François Deniau.
René Haby.
Charles Millon.
Pascal Clément.
Pierre-Christian Taittinger.
Yann Piat.
Antoine Pinay.
Joseph Laniel.

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