(Anthologie permanente), Claude Minière, L'espace entre l'éclair et le tonnerre

Par Florence Trocmé


Claude Minière publie L’espace entre l’éclair et le tonnerre chez Gallimard.
Enfant certains ciels ont affiné mon optique
Je me suis fait Massorète didactique
J’ai inventé des points-voyelles pour écouter l’éclair,
ses consonnes
les orages me lavaient des murmures hypocrites
le soir d’été est un miroir de la mémoire dans le noir
et va vers l’avenir incertain
à saisir l’espace le moment
où sourdent les paroles et s’ourlent et roulent
issues du vides elles tombent sous la main
Les mathématiques ici ne servent en rien
elles sont tout juste un prétexte
La lutte entre frappe et legato
conduit l’émotion dans les mots
L’espace entre encore et en corps et peut-être
en corps musical en pulsations calmes comme une tempête
(p. 12-15)
*
Maintenant tout repose
C’est un autre espace
La répétition d’une rose
J’ai touché la matière subtile
qui fait la différence des charges
Maintenant un écart un grand saut
Que croient-ils ?
Croient-ils qu’ils sont une île ?
Ils sont fendus, déchirés
Dessiné
   le cardiogramme de quel cœur ?
Ils vivent un instant
entre fêlure et roulement
de l’idée aux syllabes
Dans cet espace je vois les guerres
les fleurs, les amours, les études
Je revois les horreurs et les bonheurs
C’est le temps, l’espace d’un instant
L’orage me pousse aux points d’exclamation
(p. 18-20)
Claude Minière, L’espace entre l’éclair et le tonnerre, Gallimard, 2022, 96 p., 12€