Fragments de nuit, inutiles et mal écrits (saison 5 - Le Chippendale) - Fragment 28-29-30

Par Blackout @blackoutedition

Pour les livres de Richard Palachak, c'est par ici : KALACHE, VODKA MAFIA, TOKAREV, L'ESPRIT SLAVE

Photo de Simon Woolf

Saison 5 : Le Chippendale

Fragment 28

J'évite les menottes et le canon du Beretta, comme je m'y attendais... au lieu de ça, madame Jolie m'offre une place sur le canap, une couverture polaire et un café. Sans le moindre commentaire, elle exécute ces témoignages d'hospitalité comme si elle remplissait les lignes d'un procès-verbal. J'avoue ne pas savoir sur quel pied danser, fourré tel un gros pourceau dans un trou de souris. L'officier qui m'a fiché me tire à présent d'affaire... et ça me fait carrément flipper. Je crains l'arrivée d'un fourgon cellulaire de la police nationale à chaque instant.
La blonde arctique alpague un mug estampillé « RAID » et je n'en mène pas large...
Il faut dire ce qui est, Monsieur Tokarev. Après mes vingt années passées dans la Fonction, j'ai appris à flairer l'innocence et la culpabilité. Juste après votre interrogatoire insensé, malgré votre godemiché géant, votre Lovestore libertin, votre équipement de désaxé, votre notoriété dissolue sur les réseaux sociaux, votre bon de caisse au nom de Monsieur Sapin, votre histoire invraisemblable d'un visionnage de la Reine des Neiges avec des fillettes de dix ans...
(…)
Je savais... j'ai toujours su... et je continue de savoir... même quand vous débarquez tout nu chez moi au beau milieu de la nuit... je sais que vous êtes innocent. Mais il y a quelque chose que je n'arrive pas à savoir : vous êtes innocent de quoi, au juste ?
Madame la Commissaire, je vais tout vous expliquer...
Non, taisez-vous ! Je ne veux rien entendre et je ne veux rien savoir de plus, en réalité. Je ne veux plus jamais vous revoir. Finissez votre café, prenez la couverture et disparaissez de ma vue, à jamais !
Les graviers de la cour se mettent à gronder, le moteur d'une voiture émet un ronflement puis s'éteint. Quelqu'un sonne à la porte. « Mon fils... » lâche la commissaire, avant d'aller lui ouvrir. Et quand le fiston pointe son museau, j'en ai le souffle coupé : c'est le guignol en costume d'ours de la fiesta, fracadéchiré.

Fragment 29

Ouah y'a le chippendale à poil sur ton canapé, m'man. Me dis pas que tu te l'aies tapé ?
C'est pour le boulot, Vincent. Va te coucher.
Maman Jolie ne trahit pas le moindre embarras devant son garçon. Elle revient s'asseoir et repose son regard glacial sur moi. C'est le moment de saisir la balle au bond :
Vous voyez ? Vous pouvez lui demander pour l'histoire de chippendale ! Votre fils confirmera mes déclarations.
Non, je ne veux rien savoir. Vous terminez votre café, vous prenez la couverture et vous disparaissez !
Penaud, je lape une larme d'arabica tandis que Vincent se débat dans son costume de Grizzly. Et lorsqu'il arrive enfin à retirer sa peau de Cosplay, je trouve là l'occase inespérée de me rhabiller façon Casa de Papel, et réaliser l'escape-plan de l'année. La commissaire voit clair dans mon jeu et hoche la tête en signe d'approbation :
Vous semblez pourchassé, Tokarev...
Je le suis carrément ! Par une bande de tarés du cul !
Eh bien, sachez qu'il y a des chasseurs de prime aussi... votre tête de Reine des Neiges a été mise à prix... sans compter les barrages policiers déployés à votre intention... puis les prédateurs nocturnes habituels.
C'est gentil de m'en informer, mais à part courir comme un dératé déguisé en ours, qu'est-ce que je peux faire de plus ?
Les clés de mon Audi sont sur la table de la cuisine.

Richard Palachak

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