Par Gabriel Giguère
On apprenait récemment que les géants de la bière réclament la mise en place d’une réglementation du prix plancher afin de lutter « à armes égales » contre leurs concurrents. En effet, au Québec, le prix de la bière est réglementé par un prix minimum dont le calcul prend en considération la croissance de l’indice du prix à la consommation, ce qui a notamment pour but de limiter l’abus d’alcool.
La demande des géants de la bière nous semble contre-productive puisqu’elle mettrait des bâtons dans les roues de concurrents, ce qui aurait une incidence sur les prix payés par les consommateurs. Il faudrait plutôt retirer le prix plancher qui nuit inutilement à ce secteur.
La facture aux consommateurs
Avec la croissance importante de l’indice des prix à la consommation actuelle, qui se chiffrait à 5,1 % pour janvier 2022, le prix plancher augmentera de près d’un dollar pour une caisse de 24 bières, à compter du premier avril, une facture qui sera, une fois de plus, refilée aux consommateurs. À titre d’exemple, le prix minimum d’une caisse de 24 bouteilles de Budweiser augmentera de 0,95 $. Devant ce non-sens, le gouvernement doit revoir cette réglementation nuisible qui gonfle artificiellement le prix des bières, dont certaines pourraient potentiellement se vendre moins cher si ce n’était du prix plancher.
Les gros joueurs du secteur brassicole se sentent injustement visés par cette réglementation, et avec raison, car ils sont limités dans la détermination des prix de leurs produits. Leur demande d’instaurer un prix plancher pour les produits concurrents, comme le vin, n’est cependant pas la voie à suivre. Lorsque le cœur du problème est la réglementation gouvernementale, en ajouter davantage ne peut tout simplement pas être la solution. Celle-ci se trouve plutôt du côté de la déréglementation, une option que ces géants considèrent tout de même comme intéressante.
Revoir la politique gouvernementale
La concurrence intense avec les autres produits vendus à la SAQ est d’ailleurs l’occasion pour le gouvernement québécois de revoir sa politique sur le prix plancher de la bière, afin de ne pas pénaliser un produit alcoolisé par rapport à d’autres. Les dépenses en publicité et marketing de la société d’État se sont élevées à plus de 25 millions de dollars en 2018, ce qui a pour effet de promouvoir la consommation d’alcool. Rien n’explique alors qu’on mette en place un prix minimum pour contenir la consommation excessive de bière d’un côté, tout en faisant de l’autre la promotion de produits alcoolisés. Cette réalité n’est rien de moins qu’incohérente avec la politique gouvernementale sur les prix minimums de la bière.
Cette situation met en lumière le désavantage, tant pour les consommateurs que pour les entreprises, d’un prix plancher sur plusieurs biens et services de consommation. À titre d’exemple, la bière, le lait, les œufs et même l’essence sont tous des biens réglementés, entre autres, par un prix minimum. Pourquoi obliger les entreprises à vendre des produits plus chers qu’ils ne le voudraient potentiellement ? Il n’est simplement pas justifié que l’État intervienne pour obliger les entreprises à vendre plus cher que le montant désiré. Au bout du compte, le consommateur est le grand perdant puisqu’il est tenu de débourser davantage.
Étant donné la hausse du coût de la vie, qui atteint un sommet pour les trente dernières années, le gouvernement doit laisser de côté les prix planchers qui ne font que tirer artificiellement les coûts vers le haut, ce qui nuit tout particulièrement aux plus démunis et à la classe moyenne.