En décidant d'étudier les origines du sens moral dans leur propre domaine, les neurosciences ont posé le doigt sur un mécanisme dangereux.
Selon des études diverses et variées qu'il serait absolument impossible de retranscrire intégralement ici - ce ne sont de toutes façons pas elles qui nous intéressent, mais leurs conséquences - le sens moral serait composé de deux idées générales: d'une part, il engage une aversion à faire souffrir autrui, mais également à sentir la souffrance d'autrui, quel qu'en soit le responsable; d'autre part, il développe le sens de l'équité.
Vision dualiste du sens moral donc, qui à ce stade déjà peut faire tiquer: l'aversion et le sens de l'équité sont des moteurs sensibles, c'est-à-dire purement émotifs. L'aversion étant un dégoût dans lequel l'empathie joue un rôle prépondérant (Car ce qui nous déplaît dans la souffrance d'autrui, c'est le fait que par mimétisme, nous nous mettions à sa place et ressentions avec lui cette souffrance), et le sens de l'équité, une réaction à un profond sentiment de justice ou d'injustice.
Or, l'émotivité - ou la sensibilité - est quelque chose de résolument subjectif, propre à chacun; par conséquent avancer le sens moral comme une inclination à la sensibilité, c'est donner à chacun son propre petit sens moral personnel, c'est-à-dire que cette "découverte" ne sert absolument à rien sinon à donner l'illusion aux neurosciences de pouvoir étudier des phénomènes suprasensibles, ce qui avouons-le, est d'une extraordinaire tartuferie.
Mais les neurosciences ne s'arrêtent pas à ces considérations et vont plus loin dans leurs divagations: selon elles, il y a une probabilité non négligeable que le sens moral soit inné. Or, inné, en sciences, ne veut pas dire autre chose que "génétique", et là effectivement, le doigt est posé sur la sonnette d'alarme: si le sens moral est génétique, alors une défaillance génétique entraîne une défaillance du sens moral; exit les notions de libre-arbitre et de responsabilité: bientôt dans les tribunaux, les criminels (Et notamment les psychopathes, dont le cas est longuement étudié dans l'étude du sens moral en neurosciences) pourront dire, pour leur défense, "C'est pas moi, c'est mes gènes". Voilà donc que les origines d'un mauvais comportement (La notion de "mauvais" étant tout à fait aléatoire dans toute société régie par des lois civiles) se trouvent dans les gènes; nul doute que cette annonce, dont se gargarisent bêtement les neurosciences, fera plaisir à monsieur le Président, que nous nous devons d'ailleurs de féliciter pour avoir découvert avant les neurobiologistes, et sans aucun matériel scientifique que ce soit, le caractère inné de la connerie.
Pour ce qui est du sens de l'équité, les neurobiologistes ont étudié le comportement de deux personnes, A et B, lorsqu'une troisième personne donnait une certaine somme d'argent à A et lui disait de partager de la façon dont elle le désirait avec B. Il n'est dit nulle part, dans l'étude, si A était "complice", c'est-à-dire si on lui avait préalablement demandé de partager inégalement l'argent; quoi qu'il en soit, A propose donc à B une somme plus petite que celle qu'il se garde pour lui-même, d'où réaction outrée de B qui refuse un tel arrangement et préfère ne pas accepter d'argent du tout plutôt que d'en avoir moins que A - déjà ici, admirez la logique de réflexion: Je préfère ne pas avoir d'argent qu'en avoir un petit peu, c'est mon sens moral qui me le dicte. Bref, là où le problème se pose, c'est plutôt chez A, B semblant être condamné à la bêtise à perpétuité (Mais vous l'excuserez, la faute revient à ses gènes). Pourquoi A distribue-t-il l'argent inéquitablement?
Puisqu'à n'en pas douter, certaines personnes n'hésiteraient pas à garder plus d'argent pour elles, ce qui ferait dire à d'autres qu'elles agissent par égoïsme, preuve que si le sens moral est dirigé par des mobiles sensibles, alors il existe autant de sens moraux que d'être humains peuplant ce monde.
L'aversion pour la souffrance d'autrui, quant à elle, n'est rien d'autre que la plus belle - et la plus insoupçonnable - forme d'égoïsme, puisque l'empathie (Ici encore, d'intensités différentes selon les personnes) nous porte à souffrir avec autrui, et dans une plus grande mesure, à tenter de stopper cette souffrance, avant tout pour stopper le sentiment de déplaisir que provoque en nous cet Autre qui geint.
Il convient de remarquer également, que le sens de l'équité et l'aversion pour la souffrance d'autrui sont des valeurs qui s'excluent mutuellement dans un cas précis: celui de la volonté de vengeance. Si une personne me fait du mal, et que mon sens de l'équité me souffle que cette personne mérite de subir ce qu'elle a commis, alors je prendrai plaisir à la voir souffrir. Une sorte de logique de rétribution, un asservissement à la maxime "Oeil pour oeil, dent pour dent" qui nous laisse à penser que le sieur de Nazareth aurait dû mieux réviser ses cours de génétique avant d'affirmer que nous devions tendre l'autre joue.
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