Editions Grasset, collection "Les Cahiers rouges"
Toujours l'argent et la vengeance...Dans son deuxième opus, Némirovsky quitte les affres de la vieillesse pour étudier les aspirations de l'enfance..Le Bal est considéré comme l'un des rares chef-d'oeuvre consacrés à la description des tourments de l'enfance, au même titre de Frankie Adamsde Carson MacCullers.
Les Kampf sont une famille de parvenus récemment passés de la gêne à l'opulence grâce à de l'argent habilement placé en bourse. Pour "épater la galerie" et faire leur entrée dans le monde, ils décident d'inviter tout ce que Paris compte de banquiers, comtes et autres personnalités importantes...Leur fille, Antoinette, 14 ans, est conviée à la rédaction des cartons d'invitation...mais pas au bal.
Habituée à se faire constamment rabrouée par sa mère, Antoinette se voit catégoriquement refuser l'accès au bal. Elle restera avec sa gouvernante dans la lingerie ou dans le débarras pendant que sa chambre servira de salle de repas.
Qu'à cela ne tienne...Antoinette, comme sa mère, est éprise de belles robes et d'amour. Pourquoi n'aurait-elle pas le droit de de danser elle aussi ? Lorsqu'elle va poster les invitations avec sa gouvernante, lui vient l'idée d'une vengeance cruelle....
Chez Némirovsky, les victimes de la mesquinerie ambiante n'ont pas dit leur dernier mot...Ils peuvent inventer milles stratagèmes pour faire tout basculer.
A travers cette fable cruelle et grinçante, l'auteur se gausse de cette bourgeoisie juive parvenue qui ne rêve que de ses pavaner devant le beau monde. Antoinette est un magnifique personnage : une enfant romantique, rêveuse, capable de haine féroce lorsqu'elle n'obtient pas ce qu'elle veut.
Le lecteur n'oubliera pas de si tôt la confrontation mère-fille et la jouissance de la "jeune fille en fleur" devant la déroute de la mère. Ce roman est un récit d'une férocité jouissive. ..Tout comme dans David Golder, le personnage principal exprime directement sa rancune, ses rêves, la vérité criante de l'enfance bafouée.