Dans son ouvrage « Où placer votre argent », l’expert financier Joshua Brown partage la révélation qu’il a eue : en 114 mois de chroniques financières à la télévision, personne ne lui a jamais demandé ce qu’il faisait de son argent ! D’une manière générale, il a réalisé que les investisseurs ne parlent jamais de leurs finances personnelles alors que leur expérience pourrait bénéficier à bien d’autres. Il a donc décidé de publier ses interviews de 25 professionnels de la finance et de partager comment chacun gère son portefeuille personnel. Il apparaît qu’ils ne s’appliquent pas toujours les conseils qu’ils donnent à leurs client. Est-ce que le dicton des cordonniers mal chaussés s’appliquerait aussi aux investisseurs ? En réalité, leur objectif personnel est souvent bien différent de leur objectif professionnel. Morgan Housel, associé du Collaborative Fund et longtemps chroniqueur financier, s’en explique ici :
« Personnellement, mon objectif financier n’a jamais été la richesse, mais l’indépendance. Courir après les meilleurs rendement ou optimiser mes actifs pour vivre dans le luxe m’intéresse très peu. Ces deux comportements s’apparentent à des défis qu’on s’invente pour épater la galerie, et tous deux comportent des risques. Pour moi, l’essentiel est de me réveiller chaque matin en sachant que ma famille peut faire tout ce qu’elle veut, comme elle l’entend. C’est l’objectif qui motive chacune de nos décisions financières.
(…) L’indépendance, pour moi, ce n’est pas s’arrêter de travailler. C’est faire le travail que l’on aime, quand on le souhaite et aussi longtemps qu’on le décide.
Et il n’est pas nécessaire d’avoir des revenus de médecin pour accéder à l’indépendance. Il s’agit principalement de maîtriser ses attentes et de dépenser moins que l’on gagne. L’indépendance, quel que soit votre niveau de revenus, est déterminée par votre taux d’épargne. Et, passé un certain seuil de revenus, votre taux d’épargne dépend, lui, de votre capacité à maîtriser votre train de vie.
(…) Nous sommes tant attachés à notre désir d’indépendance que nous avons fait des choix pouvant paraître insensés. Nous avons acheté notre maison comptant, ce qui a été notre pire coup financier, mais notre meilleure décision économique. Les taux des crédits immobiliers étaient ridiculement bas à ce moment-là. N’importe quel conseiller rationnel nous aurait recommandé d’en profiter et d’investir le restant de nos économies dans des titres rémunérateurs comme des actions. Or nous n’entendons pas être froidement rationnels, mais psychologiquement raisonnables.
Le sentiment d’indépendance que me procure le fait d’être propriétaire de ma maison surpasse de loin les gains financiers qu’aurait permis cet emprunt à taux faible. Je me sens mieux en n’ayant pas à rembourser un crédit plutôt qu’en maximisant la valeur à long terme de nos actifs. Je me sens indépendant.
Je n’essaie pas ici de défendre cette décision face à ceux qui en soulignent les failles ou qui n’envisageraient jamais d’agir de la sorte. Sur le papier, notre choix est indéfendable. Mais il nous convient. Nous en sommes contents. Et c’est tout ce qui compte. Les bonnes décisions ne sont pas toujours rationnelles. Il faut bien, à un moment ou un autre, choisir entre être heureux et avoir raison.
Nous conservons par ailleurs une plus forte proportion de liquidités que ne le préconisent la plupart des financiers – environ 20% de nos actifs, à l’exclusion de la valeur de notre maison. Ce choix est, lui aussi, difficilement justifiable, et je ne le recommande pas à tout le monde. Mais c’est celui qui nous correspond.
(…) Mais tout ce que j’ai appris sur la gestion des finances personnelles me laisse penser que tout le monde – sans exception – se retrouve un jour ou l’autre contraint de faire face à une importante dépense inopinée. Et, puisque l’on ne s’y attend pas, on ne s’y prépare pas. les rares personnes qui connaissent les détails de nos finances nous demandent : « Pour quoi épargnez-vous ? Pour une maison ? Un bateau ? Une voiture ? » Rient de tout cela. J’épargne parce que le monde est plein d’imprévus. Et, si l’on n’est pas obligé de vendre nos actions, nous augmentons nos chances de les laisser prendre de la valeur sur une plus longue période. Charlie Munger le résume très bien : « La première règle de la capitalisation, c’est de ne jamais l’interrompre inutilement. »
La façon dont Morgan Housel gère son portefeuille personnel doit vous inciter à ne pas avoir de scrupules à gérer votre argent en fonction de ce qui vous correspond et non en fonction des conseils de professionnels, aussi rationnels soient-ils. Votre bien-être psychologique est probablement plus important que votre stratégie de placements ! Écoutez-vous !