Loin de toute eschatologie, l’agencement atmosphérico-pronominal semble offrir une lecture météorologique, en suivant laquelle l’effort du dire – et du dire vrai – se tient au bord des autoroutes et de la piscine comme une promesse de bleu pastel derrière les nuages. Promesse, et non pas certitude, car il aura fallu plonger dans la moisissure qui imprègne les bâtiments et les centres commerciaux de banlieue tout comme les existences : « nous sommes là, les restes sont ici – mais c’est autre chose qui nous tient » (p. 10). Je, il, on, nous : on aura fait le tour de l’identité au fil des crépuscules et de la pluie afin de voir – et de voir mieux – ce que l’on cherche à atteindre (et que l’on attend peut-être). Et cela même s’il n’est pas indispensable de répondre à la question : « quoi devenir, l’on se demande en ces moments où la physiologie de la vérité se dérobe » (p. 12). Cette vérité, qui ne se dévoile pas et semble avoir les contours d’un mirage – la fiction vraie de l’écriture ? – pousse contre le bord du réel en « sortant de sa physionomie pour atteindre une rêverie plus attractive que sa propre fondation » (p. 15), jusqu’à ce que la décision se prenne et la nuit (du monde, de l’Homme ?) s’éclaire enfin. Et, toutefois, contrairement aux rythmes de la nature et des saisons – l’alternance entre les nuances sombres et les incursions pastel, à la vitesse de l’éclair, des voitures et des avions –, le dire vrai n’attend pas qu’une seule vie, et se paie cher, pour la vie, et à la fois contre elle. C’est le temps de l’Histoire qu’il faudra sceller.
Valeria De Luca
F. J. Ossang, Le mémoire Lucien Dolchor, pariah éditions hors-série, 2021, 36 p., 10 €
Extrait de Le mémoire Lucien Dolchor :
Histoire – l’imagination n’a rien à voir dans cela, elle bouge, et précisément ne fixe qu’au bord des mots, jamais à l’intérieur.
Faut-il vivre mille ans pour obtenir le songe exact de notre vie présente ? Doit-on mourir pour favoriser la négociation des indices dont chacun dispose – ou bien les dresser au dessus du seul accident !
Si Dieu n’existe, les machines numériques gagneront, et les hommes oublieront tout ce qui nous a faits – ou défaits. Les temps de l’homme changent si vite qu’on n’en contrôle à peu près rien.