Par Drieu Godefridi
Un ami taquin me présente hier 5 mars une amie allemande qui travaille à la Commission européenne. Courtois, j’entame la conversation. Après deux phrases, madame Von Strumphflüdel (si j’ai bien compris) tient à m’informer du fait qu’elle se rendra bientôt en Inde en train, bien sûr.
— Of course. Êtes-vous peut-être écologiste ?
D’un air humble, les lèvres légèrement pincées, les yeux se baissent, le visage s’incline imperceptiblement, dans une posture nettement christique :
— Je ne suis pas parfaite, mais je tente de contribuer à ma modeste mesure au mieux-être de notre planète. Et vous ?
(Cette étrange impression de me retrouver d’un coup petit garçon jusqu’au coude dans le bocal des bonbons face à la maîtresse d’école)
— Oh, vous savez, je suis ouvert. Au fait, que pensez-vous du fait que les politiques écologistes en Europe nous ont rendus si dépendants au gaz russe ?
— Bfouuh… je ne sais pas si on peut vraiment faire un lien…
— Aujourd’hui 5 mars 2022 l’Europe a versé près de 700 millions d’euros au gouvernement de la Russie pour le prix de son gaz. C’est beaucoup. Pareil, hier. Ce sera pareil demain. En fait, tous les jours.
— Bah oui, mais…
— Soit le prix de 200 chars russes d’assaut, par jour, comme le relevait malicieusement le professeur Damien Ernst ; peut-être le connaissez-vous ? Spécialiste de l’énergie de grand talent, dont le ton apocalyptique est parfois un chouïa agaçant, mais dans l’ensemble il voit clair.
— Coupons le robinet du gaz russe ! On ne peut pas financer le fascisme !
— Couper le robinet ? À la place on consomme quoi, madame Von Strumphflüdel ? Parce que le gaz russe c’est quand même 40 % du gaz consommé en Europe. En 2016, 30 % du gaz naturel consommé par l’Union européenne provenait de Russie. En 2018, ce chiffre est passé à 40 %. En 2020, il était de près de 44 %, et au début de 2021, il était de près de 47 %. Couper le robinet cela veut dire que nos économies s’arrêtent et que les gens arrêtent de se chauffer. À terme, la guerre civile.
— Je ne sais pas moi, je ne suis pas une spécialiste de l’énergie, remplaçons le gaz russe par du gaz américain !
— Le gaz américain est de roche-mère (schiste), vous n’allez tout de même pas nous infliger ce que les écologistes dénoncent depuis 15 ans comme le Mal absolu, fût-il importé ?! Par ailleurs un pays tel l’Allemagne, sous la pression de ses organisations écologistes et de la si clairvoyante et modérée madame Merkel, votre compatriote, a pris soin de ne pas construire un seul terminal apte à recevoir du gaz américain. Il leur faudra des années. Dans l’intervalle, l’Europe n’a d’autre choix que de persister à financer servilement l’impérialisme russe.
— Vous êtes atroce !
J’ai été ravi de faire la connaissance de madame Von Strumphflüdel. Je lui souhaite un beau voyage en Inde. En espérant qu’elle aura garde à ne pas traverser l’Ukraine.Drieu