De plus, on retrouve dans ce recueil la poétique habituelle de Jean-Michel Maulpoix, c’est-à-dire une beauté simple des images que sous-tend une clarté d’expression inimitable. On remarquera également que certains vers sont repris à d’autres recueils, ce qui accentue davantage l’effet de système et de cohérence de l’ensemble de l’œuvre du poète. C’est le cas de ceux-ci, que l’on trouvait déjà dans Le voyageur à son retour (Le Passeur éditeur) : « C’est pourquoi sur le papier blanc je trace des signes noirs / Où me dire me dissoudre offrir déjà ma chair au rien qui la dévore / Quitter mon sang ma peau me défaire enfin de mon cœur ». Notons aussi que le recours au vers libre confère à ce livre une certaine fraîcheur élémentaire. Après deux livres de deuil, L’hirondelle rouge et Le jour venu (Mercure de France), la poésie de Jean-Michel Maulpoix semble recouvrer ici un souffle nouveau qui ramène du côté du concret et de l’étonnement.
Autre topique de l’écriture de Jean-Michel Maulpoix visible encore dans ce recueil : le rapprochement oxymorique des antipodes que sont la naissance et la mort, l’ombre et la lumière. Par des effets de clair-obscur, le poète met en exergue les trésors cachés de l’existence et donne à voir ainsi un univers poétique « où la disparition ressemble à la naissance », et où la vie sur terre s’apparente, en définitive, à « un drap de lit que l’on déplie que l’on replie / À l’heure de naître puis de mourir ». Le poème, espace d’amour et d’écriture, est en ce sens une naissance continuée. À ce propos, l’auteur écrit la chose suivante dans la « Note » clausulaire : « Écrire un poème, peut-être n’est-ce en définitive que cela, donner à assister au moment de la naissance, à l’éclosion même du sens, syllabe après syllabe ». Trempant le bout de sa plume dans l’encrier morose et grisâtre de la modernité, le poète fait apparaître des vérités du présent mises en valeur par des contrastes saisissants entre les élégantes et séduisantes lumières de la ville et de la nature, et l’obscurité des longs cous noirs et pollués des étendues malfamées de basalte.
Finalement, si le poète donne à voir, par ces photographies furtives en noir et blanc, aussi bien la naissance et la mort, l’éclosion et la fanaison, il est toutefois impossible au lecteur d’y reconnaître autre chose que des pétales de couleurs. Cette « rue des fleurs » nous invite à assister à l’éclosion de la vie qui pousse comme une fleur et qui voit sa corolle fragile se dénuder de jour en jour. Ce livre est donc fait d’amour et de mort, de chrysanthèmes et de roses cueillis à même la vie, aux abords d’une « banlieue pauvre », « en automne au fond du jardin », « dans le silence de la chambre », dans la « rue des fleurs ».
Guillaume Curtit
Jean-Michel Maulpoix, Rue des fleurs, Mercure de France, 2022, 88 p., 10,50 €