Maison-Mère, d'Anaïd Demir (éd. Plon)

Il y a des maisons qui parlent du présent de leurs habitants. Et il y a des maisons qui nous plongent dans leur passé. Celle que visite et qu’habite Anaïd Demir après la mort de ses parents va la projeter dans plus d’un siècle d’histoire, le jardin même se souviendra de l’Eden, le bardez arménien ayant des résonances avec le paradeis. Ce n’est pas la seule découverte. Chaque pièce, du grenier à la cave, soulève son lot d’images, de photos, de mots dans des langues différentes, l’arménien, le turc, le français et ce qui remonte ainsi de la poussière, de l’atelier de couture maternel, de l’établi de l’orfèvre paternel, de la chambre nuptiale, de celle des garçons, de la terre même, ce n’est pas uniquement l’histoire familiale, bien qu’elle soit dans tout le récit, c’est l’histoire de l’Arménie, des Arméniens. Car il n'y a pas si loin de la Forêt de Crécy au Mont Ararat. Et c’est peu de dire qu’on en saisit l’importance tant il y a nécessité à dire le génocide, l’impossibilité de remonter au-delà de trois générations, la douleur persistante et le combat pour que le génocide soit reconnu. On comprend dans ce livre à quel point cette histoire ne doit pas être oubliée, on comprend qu’elle soit enseignée, et portée à la connaissance de tou.te.s. Car il ne s’agit pas que d’un fait historique, à noter dans un calendrier, il s’agit dans ce livre de partir à la recherche d’une photo, de la photo dont une jeune femme, la mère de la narratrice, dit dans un rêve qu’elle est dans cette maison, et cette image doit être transmise au futur, après la grande traversée.