Qu'une seule âme sur la Terre, de Raphaël Aubert

Publié le 02 mars 2022 par Francisrichard @francisrichard

Ainsi c'est avant tout la musique qui les avait réunis Antonin et elle. Elle avait représenté leur seule assurance; l'unique certitude à laquelle se raccrocher, telle une planche de salut, alors que la guerre faisait rage autour d'eux.

Qu'une seule âme sur la Terre doit son titre à deux vers de L'Hymne à la joie de Friedrich von Schiller, poème qui est repris en partie dans le quatrième mouvement de la 9e Symphonie de Beethoven, lequel avait justement tant impressionné Antonin.

Raphaël Aubert reproduit ces deux vers avec celui qui les précède et les met en épigraphe à son roman. C'est dire son intention d'y rendre un hommage vibrant à la poésie et à la musique qui la transcende et apporte ainsi l'espérance à tous ceux qui l'écoutent.

Le roman retrace la vie d'Antonin Tcherniakowski, qui a passé son enfance à Grodno, suivi des études musicales à Vienne à partir de 1936, accompli son service militaire en 1938, et s'est engagé dans la division polonaise en 1940 avant d'être interné en Suisse.

Cette histoire qui se déroule pendant la Deuxième Guerre mondiale, puis pendant la guerre froide, est construite comme une symphonie avec une ouverture et un finale, une première partie en deux mouvements et une deuxième en trois, initiés fin du XXe siècle.

En ouverture, Antonin, qui n'a entendu qu'à la radio, en 1942, la 9e Symphonie, dirigée par le grand Wilhelm Fürtwangler ne veut pour rien au monde manquer d'assister à l'inauguration du festival de Bayreuth neuf ans plus tard où sera jouée cette même symphonie sous la direction du prestigieux chef d'orchestre allemand injustement calomnié.

Antonin se remémore son internement en Suisse, où il a fait la connaissance d'Alberte, cette femme qu'il aimait peut-être toujours. Elle était alors institutrice, avait été son professeur de français pendant deux ans. Il lui avait appris à jouer du violon, avant de rejoindre les forces polonaises en Angleterre puis les forces soviétiques en Allemagne.

Dans les deux parties qui suivent, le narrateur (dont le lecteur n'apprend que peu à peu les liens qu'il a petit garçon, puis adulte avec Antonin) se souvient, non sans mal1, à la fin des années 1990, de ses rencontres avec lui et avec sa soeur Ana, si bien qu'il se met à revisiter la période de la guerre froide, sur fond musical, à Lucerne, Rome et Berlin.

Le finale a lieu, au port du Basset à Clarens où est inauguré un buste (dû à Bernard Bavaud) du chef d'orchestre, dont les exécutions de la 9e Symphonie, auront procuré tant de vie, de joie et d'espérance à Antonin, qu'il les aura transmises au narrateur, si bien que ce dernier tiendra à se substituer à lui pour rendre au musicien un dernier hommage.

Francis Richard

1 - Une deuxième épigraphe l'annonce:

La mémoire est un miroir à fantômes. Elle montre parfois des objets trop lointains pour être vu, et parfois les fait paraître tout proches.

Yukio Mishima

La mer de fertilité

Qu'une seule âme sur la Terre, Raphaël Aubert, 224 pages, Buchet-Chastel (à paraître)

Livres précédents:

Malraux & Picasso - Une relation manquée, 124 pages, Infolio (2013)

Cet envers du temps - Journal 2013, 292 pages, L'Aire (2014)

Sous les arbres et au bord du fleuve, suivi de Toro, Toro!, 76 pages, L'Aire (2014)

Un voyage à Paris - Un carnet de Pierre Aubert, 114 pages, Art & Fiction (2017)