Mon destin, c’est l’effort de chaque nuit
vers moi-même,
c’est le retour au cœur,
à pas lents,
le long des villes
asservies à la bureaucratie du mystère.
Que m’importe d’être né,
d’être mort,
d’avoir cent ans de cheveux,
des dispositions pour la marine marchande,
un mètre d’esprit de contradiction
et des femmes fidèles dans les lits des autres ?
Que m’importe d’avoir ma place retenue d’avance
sur ce monde que je connais pour l’avoir fait ?
Je suis de ceux qui sèment le destin,
qui ont découvert le vestiaire
avant de se risquer en pleine vie.
Je suis arrivé tout nu,
sans tatouages cosmiques.
Le doux géant qui me tracasse
quand je me sens encore désossé par le sommeil,
c’est l’Univers que je me suis créé,
qui me tient chaud en rêve.
Et si je meurs demain,
ce sera d’une attaque de désobéissance.
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Léon-Paul Fargue (1876-1947) – Poésies (Poésie/Gallimard, 1967)