Par Nicolas de Pape.
Samuel Furfari, ancien haut fonctionnaire à la Direction générale de l’énergie à la Commission européenne, met en garde contre l’écologisme, une idéologie liberticide qui cache souvent, derrière de bonnes intentions comme la lutte pour la pérennité de notre biosphère, un agenda totalitaire qui vise au premier chef notre civilisation occidentale.
Docteur en sciences appliquées, ingénieur polytechnicien et président de la Société européenne des ingénieurs et industriels, Samuel Furfari enseignait jusqu’il y a peu à l’Université libre de Bruxelles d’où il a pris une retraite bien méritée. Il est l’auteur de nombreux livres dont L’utopie hydrogène et L’urgence d’électrifier l’Afrique qui démontent les truismes contemporains. Le dernier en date s’intitule Écologisme, assaut contre la société occidentale.
Il y met en garde contre le nouveau « marxisme vert », à savoir une écologie punitive présentée comme un progrès pour une humanité plus respectueuse de l’environnement, mais qui contient en germe l’avènement d’une véritable dictature.
Il cite en préambule l’auteur de Narnia, C.S. Lewis qui soulignait :
« De toutes les tyrannies, celles sincèrement exercées pour le bien de ses victimes peut être la plus oppressante […] Ceux qui nous tourmentent pour notre bien nous tourmenteront sans fin car ils le font avec l’approbation de leur propre conscience. »
Le cadre est lancé…
Idéologie anti-humaniste
Car si le Pr Furfari se positionne résolument (ce fut son activité principale à la Commission européenne) contre toutes les pollutions et le respect de la nature, il souligne que les théoriciens de l’écologisme vont bien plus loin aujourd’hui que la seule défense de l’environnement : ils veulent mettre en place une nouvelle société dans laquelle l’humain est subordonné à la nature.
Sa démonstration commence par un retour aux sources de l’écologisme : Hans Jonas, auteur notamment en 1979 de Le Principe Responsabilité. Une éthique pour la civilisation technologique. Jonas y développe sa vision an-humaniste du monde lorsqu’il précise que l’Homme, qui détruit la nature par sa prédation, n’est pas le seul créateur de valeurs et ne vaut pas mieux que les autres éléments de la nature.
« Une vision totalement opposée au judéo-christianisme et aux Lumières », précise Samuel Furfari. Hans Jonas est également un précurseur des millénarismes écologistes lorsqu’il développe le concept de « Principe-Crainte », utilisé aujourd’hui notamment dans la « sensibilisation » au réchauffement climatique, et qui revient à dévoyer le principe de précaution en terrorisant sans cesse la population sur l’avènement hypothétique d’un cataclysme climatique :
« Peut-être ce jeu dangereux de la mystification des masses est-il l’unique voie que la politique aura en fin de compte à offrir : donner de l’influence au Principe-Crainte sous couvert de Principe Espérance. »
Jonas y développe aussi le concept de « pieux mensonge », indispensable pour convaincre les masses et en profite pour faire l’éloge du socialisme qui conceptualise l’acceptation populaire d’un régime de renoncement imposé. Selon lui, une société socialiste induirait plus automatiquement la voie de la frugalité économique. Alors que, rappelle Furfari, dans leur prétention à rivaliser avec le productivisme capitaliste, les régimes communistes ont obtenu quelques résultats, mais au prix d’un très grand coût environnemental… Il suffit pour cela de voyager dans l’ex-Union soviétique et contempler sa nature ravagée par des décisions irrationnelles : pensons à la salinisation de la Mer d’Aral.
L’écologisme n’est pas le marxisme
Il est important de souligner cependant les différences entre marxisme et écologisme : le marxisme (dans sa composante léniniste et trotskyste notamment) pose que « l’électricité remplacera Dieu » et que « l’Homme ne sera libéré de la religion que lorsqu’une technique le libérera de toute dépendance dégradante envers la nature ». À ce titre, la fameuse métaphore de la pastèque « verte à l’extérieure et rouge à l’intérieure » n’est pas complètement pertinente.
L’écologisme est aussi antichrétien, affirme Samuel Furfari qui est également pasteur, citant un autre grand théoricien écolo, Lynn White :
« Nous continuerons à avoir une crise écologique qui empire jusqu’au moment où nous rejetterons l’axiome chrétien que la nature n’a pas d’autres raisons d’exister que de servir l’homme. »
Mais qu’en est-il des écologistes contemporains ?
Forcément tous de gauche, ils sont très influencés par l’orthodoxie écologiste, souligne Furfari. Mais leur idéologie est très largement fondée sur le spectre sociétal des minorités de toutes sortes, valorisant par exemple « la pluralité des orientations sexuelles et les identités de genre ». L’écologie politique, oxymoron s’il en est puisqu’on ne peut prétendre à la fois à la science et à la politique, brasse en réalité très large…
Mais tout éclectique qu’il est, l’écologisme poursuit son véritable but : détruire la société occidentale, basée sur le progrès technique et le développement humain. Alors que la consommation d’énergie est corrélée positivement à l’indice de développement humain, l’écologisme « ne se situe de toute évidence plus dans le débat de la protection de l’environnement, mais dans la tentative d’imposer la décroissance et la frugalité volontaire », pointe Furfari, rappelant les bienfaits du progrès technique (vaccination) et des dérivés plastiques du pétrole (matériel de protection notamment) dans la lutte contre le Covid-19. Et qui dit consommation d’énergie, dit dégagement de CO2… À cet égard, sur base des statistiques des Nations Unies, Furfari propose (page 69) un graphique démontrant que l’espérance de vie à la naissance augmente en fonction des émissions de CO2. Une hérésie pour la plupart des médias mainstream… qui omettent de rappeler que l’Union européenne n’est responsable que de 9 % des émissions mondiales et que la Chine l’est pour 30 %.
Toute politique de lutte contre le réchauffement climatique qui émanerait uniquement de l’Europe serait donc vouée à l’échec.
Une nature très violente
À contre-courant de l’écologisme bon enfant qui séduit les élites politiques et notoirement les élites européennes, Furfari rappelle également que la nature est tout sauf bienveillante envers nous. Outre les virus tel le Covid-19, elle nous envoie régulièrement des signaux de sa grande violence sous forme de tsunamis, éruptions volcaniques et tremblements de terre.
La nature n’a rien d’idyllique. Elle est dure et impitoyable et même si on peut essayer de la gérer et de minimiser les dangers, elle est globalement incontrôlable.
Samuel Furfari conclut sur l’Union européenne qu’il a tant servie comme haut-fonctionnaire par une citation de Renaud Girard du Figaro :
Les Européens ne peuvent se borner à faire de leur continent un gigantesque parc d’attraction décarboné. L’Union soviétique est morte des excès de son idéologie rouge. Notre Europe doit se sauver des excès de son idéologie verte.