Par Daniel RIOT
Dans une tribune publiée par Le Figaro, intitulée, « le devoir de cohérence des Européens », Pierre Lequiller, député (UMP) des Yvelines, président de la délégation de l'Assemblée nationale pour l'UE., appelle les Européens à remplir leur « devoir de cohérence » et fait plusieurs propositions de bon sens pour contribuer à faire, selon le vœux de Gérémek, « la plus grande démocratie du monde ». Belle exhortation qui vaut que nous nous y attardions. Par souci de cohérence...
« . En tant qu'élu, je propose quatre pistes innovantes pour rapprocher l'Europe de ses citoyens et de leurs représentants : sensibiliser les parlementaires nationaux aux
questions européennes, par des séminaires de formation à Bruxelles par exemple ; appliquer, sans attendre sa complète ratification, les dispositions du traité de Lisbonne relatives aux Parlements nationaux, ce qui renforcerait dès aujourd'hui leur pouvoir de contrôle sur les textes européens ; envisager des réunions de la Commission européenne décentralisées dans les grandes capitales des Vingt-Sept, afin de leur conférer un rayonnement médiatique.Enfin, je propose que se tienne, sur un rythme annuel, un grand débat rassemblant parlementaires nationaux et européens, devant qui les dirigeants de l'Union (président du Conseil européen, présidents de la Commission et du Parlement) prendraient la parole. Cet «état de l'Union» à l'européenne serait un événement fort, qui rassemblerait les citoyens autour d'une vision et d'un programme de travail communs. »
De bonnes idées faciles à mettre en pratique. La « délégation » qu'il préside a les moyens de les faire mettre en pratique. On se demande même pourquoi elle ne l'a pas fait depuis longtemps. Mais encore faut-il que cette « délégation » commence à faire preuve de « cohérence » elle-même.
Des séminaires de formation pour les élus nationaux ? Oui. Mais pourquoi seulement à Bruxelles ? La première des « cohérences » consisterait à faire en sorte que les membres de sa « délégation » soit aussi (dans la limite des places disponibles) les représentants de l'Assemblée nationale à l'Assemblée du Conseil de l'Europe.
Ils verraient que la « cohérence » de la « construction européenne » ne concerne pas que l'Union mais aussi la complémentarité des institutions et organisations européennes et paneuropéennes.
Si cela était déjà le cas, les derniers « élargissements » auraient été plus réussi, la question turque serait moins chargée de passions et le Conseil de l'Europe aurait davantage de moyens pour accomplir sa mission en terme de coopération européenne. C'est parce que les élus (français en particulier) oublient l'Europe des valeurs et de la coopération inter-étatique que l'Union, sensée être une Europe de l'intégration est devenue une machinerie bureaucratique en laquelle les citoyens ne se reconnaissent plus assez.
Une séance annuelle sur l'état de l'Union qui regrouperait des représentants du Parlement européen et des parlement nationaux ? Oui. Bien sûr. Mais pourquoi ne pas donner des signes encore plus forts : l'Europe, Edgar Morin l'a dit voilà longtemps déjà, est d'abord une affaire infranationale. L'Europe doit d'abord être une réalité mieux vécue aux niveaux locaux et régionaux. D'où notre idée de Conseils des affaires européennes locaux (dans les grandes villes), régionaux et nationaux. Constitués sur le schéma des Conseils ou Comités économiques et sociaux (le coté « placard de luxe, en moins), ils seraient de vrais outils de développement de l'esprit européen et des organes consultatifs permettant de mieux élaborer des politiques nationales pour l'Europe et des politiques européennes pour les pays. Il n'y a rien là d'utopique, de trop onéreux et cela n'exigerait ni nouveau traité ni modification de la Constitution.
Des réunions décentralisées de la Commission ? Pourquoi pas ? Mais c'est la France (Jacques Chirac) qui provoque une centralisation des Conseils européens sur Bruxelles...Belle « incohérence ». Et l'on n'a pas vu la délégation pour l'Union de l'Assemblée nationale s'y opposer. Comme on ne voit pas assez la même délégation se battre suffisamment pour que l'Europe de la démocratie, des peuple, des citoyens soit incarnée à Strasbourg et non dans les « bureaux » qui font du mot « bruxellose » un terme qui n'est plus seulement du lexique des urbanistes.
Le « devoir de cohérence » impliquerait aussi que la délégation présidée par M. Lequillé pèse davantage sur le cours des événements, notamment en imposant des délais plus court dans la transcription des directives communautaires et de vrais débats avant les grands décisions européennes. Et en se manifestant davantage en permanence, et pas seulement pendant la « présidence française » du Conseil de l'Union....C'est en permanence et pas seulement en un semestre amputé par la saison des vacances que la politique européenne de la France devrait « recueillir le soutien actif de la classe politique », notamment sur une série de dossiers qui, effectivement, « ne s'accommodent pas des clivages partisans ».
Très juste, Monsieur Lequillé : « La France a besoin de l'union de tous, quelle que soit notre appartenance politique, pour faire avancer l'Europe de demain » Cela restera vrai après le 1er janvier 2009.. Et puisque votre tribune du Figaro s'ouvre et se ferme par un hommage à Geremek, permettez-moi un rappel. Ce sont en grande partie les élus français (de droite et de gauche) qui ont empêché que Bronislaw-le-lucide ait été élu Président du Parlement européen. Après les dernière élections européennes. Un beau manque de cohérence et de sens politique au nom d'intérêts mesquins très partisans...
Au fait, la délégation pour l'Union européenne de l'Assemblée nationale (qui mal connue des citoyens) et l'ensemble du Parlement national ont-ils leur mot à dire sur les candidatures que la France soutient ou non dans les postes-clefs de la « gouvernance » de l'Union ? Non bien sûr. Ce serait pourtant dans la logique d'une plus grande « cohérence démocratique », non ? Ce sont les locataires de ces postes qui pourraient jouer un rôle essentiel pour que le « rêve » de Gérémek se rapproche de la réalité et pour que l'Union soit « capable de sortir de cette morosité ambiante », qu'elle retrouve « l'esprit promoteur », et que l'Europe soit « une civilisation d'innovation, une société ouverte ».
C'est (aussi) de votre propre cohérence, Monsieur Lequillé, que « dépend l'avenir de l'Europe »
Daniel RIOT
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