Mao Tsé-Toung domine la scène et se prête à la futilité de ce jeu de bonne grâce : devenu star du numérique, avec un sourire à peine esquissé, il accepte de figurer aux côtés des centaines de Chinois qui mitraillent autour de moi.
Les toisant de haut, lui, il se souvient de la silhouette dérisoire du jeune étudiant qui, à ses pieds, s’était dressé face aux chars. Lui, il sait les rivières de sang qui ont entaché le sol de la place Tian’anmen.
Pour eux, il n’existe que le récit officiel. Pour eux, Mao est un grand-père sympathique, le premier empereur communiste, le guide suprême et attentionné. Pour eux, il n’y a aucune indécence à juxtaposer son propre portrait au sien. Au contraire, c’est un honneur et une joie. (…)
En contrechamp de la Cité Interdite, l’immensité massive et ennuyeuse du Palais de l’Assemblée du Peuple. Ambiance mussolinienne. En grand. En beaucoup plus grand.
Au milieu de la place, un jeune militaire raidi dans un garde-à-vous impeccable, visage creusé, nuque rasée. Seule sa tête bouge : un coup à gauche, un coup à droite, elle tourne et revient. Lentement, méthodiquement. Parfait métronome, il rythme le surplace du temps. Je ne suis plus qu’à quelques mètres de lui. Je le regarde, il ne me voit pas. Tic-tac, tic-tac, tic-tac.
(Extrait de mon livre Par hasard et pour rien)
MS明朝