Le prince héréditaire Albert, fils de Charles III s’adonnait à ses activités d’océanographe, sillonnant les mers et fit la connaissance en 1879 à Madère d’Alice Heine qui s’y trouvait en villégiature. Elle était alors l’épouse du 7e duc de Richelieu qui décédera à Athènes le 28 juin 1880. Le premier mariage d’Albert sera annulé en Cour de Rome le 3 janvier 1880. Il avait épousé le 21 septembre 1869 Lady Mary Victoria Douglas-Hamilton, lointaine parente de l’impératrice Joséphine, cinq mois plus tard elle rejoignait sa famille dans le Grand-duché de Bade et donnait naissance le 12 juillet 1870 au futur Louis II qu’Albert ne connaîtra que lorsque ce dernier aura 10 ans. Lady Mary Victoria Douglas-Hamilton se remariera à Budapest avec le comte Tasziló Festetics de Tolna.
Marie Alice Heine, était née le 10 février 1857 dans le quartier français de la Nouvelle-Orléans. Son père .Michel Heine est un riche banquier juif natif de Bordeaux, cousin du grand poète Heinrich Heine, il avait créé aux Etats-Unis une succursale de la banque familiale de Hanovre. Sa mère née Amélie Miltenberger, est issue d’une riche famille de Louisiane d’origine alsacienne. La famille revient en France en 1861 et le 27 février 1875, Alice épouse à Paris Marie Odet Richard Armand Chapelle de Jumilhac , 7e duc de Richelieu. Ils ont deux enfants. Devenue veuve le 28 juin 1880 à 23 ans, elle tient un salon dans son hôtel particulier du faubourg Saint-Honoré, fréquenté par les écrivains, des membres de l’aristocratie, des hommes politiques en vue et des artistes et elle séjourne aussi au château du Haut-Buisson dans la Sarthe, hérité de son mari.
Charles III ne voyait pas d’un bon oeil le mariage d’Albert avec la duchesse douairière, il décède le 10 septembre 1889. S.A.S. le prince Albert Ier et Alice se marièrent le 30 octobre 1889 à Paris, à la Légation de Monaco, puis à la Mairie du huitième arrondissement en présence du prince héréditaire Louis alors âgé de 19 ans. La bénédiction nuptiale leur fut donnée le lendemain en la chapelle de la Nonciature de Paris par Mgr Luigi Rotelli, archevêque de Pharsale et nonce apostolique; en présence de Mgr Charles Theuret, évêque de Monaco. Alice Heine fut la première princesse américaine de Monaco et ce mariage est plutôt insolite, souligne Thomas Fouilleron, directeur des archives et de la bibliothèque du palais princier de Monaco, auteur d’une thèse "Culture, sociabilité et politique des princes de Monaco, des Lumières à 1848", il déclare "Le Prince Albert Ier était profondément amoureux d’elle. C’est l’un des tout premiers mariages d’amour de la Principauté". Il précise que "Même si elle était la veuve du Duc de Richelieu, elle était aussi juive, ce qui n’était pas ce que le Prince Charles III, personnage très dévot, souhaitait pour l’héritier du trône".
La princesse joua un grand rôle dans le domaine des arts mais les relations entre les deux époux ne tardèrent pas à se détériorer même s'ils étaient unis dans la défense du capitaine Dreyfus. Elle se lassa de le voir partir continuellement en expédition scientifique. Lui lui reprocha la trop grande amitié qui la liait au compositeur britannique Isidore Cohen, dit Isidore de Lara qui était son protégé et qui grâce à elle fit créer deux de ses opéras à Monte-Carlo. Le 30 mai 1902, un jugement sépare officiellement les deux époux. Thomas Fouilleron rappelle qu’"elle a quitté Albert Ier, l’un des Princes les plus aimés de la Principauté. Donc, elle est aussi considérée comme une sorte de traîtresse dans la mémoire collective".
La princesse repartit pour Paris et reprit sa vie mondaine entre le château du Haut-Buisson et son appartement du Claridge à Londres qu’elle louait à l’année. On la décrit toujours comme une femme élégante et cultivée et Paul Morand qui pourtant en avait vu d’autres était ébloui par la nombreuse domesticité qui la servait…
Au décès d’Albert Ier le 26 juin 1922, Alice devient princesse douairière. Elle décède le 22 décembre 1925 à Paris et est inhumée au cimetière du Père-Lachaise à Paris, dans la 94e division. Elle n’était pas revenue en Principauté, ce qui n’empêcha pas le Journal de Monaco de l’évoquer longuement dans son numéro du 24 décembre 1925 et d'insister sur le rôle qu'elle avait joué. La durée du deuil a été fixée à un mois et un service funèbre célébré le samedi 2 janvier en l'église cathédrale de Monaco.
Thomas Fouilleron rétablit quelques vérités, pour lui la princesse est avant tout européenne "Il ne faut pas l’imaginer ayant gardé des habitudes américaines. Cependant, oui, elle était certainement très cosmopolite". On a raconté qu’elle avait été le modèle de la Princesse de Luxembourg dans À la recherche du temps perdu. Thomas Fouilleron indique "Nous ne pouvons pas être sûrs qu’elle ait été un modèle pour Proust ou non. Cela dit, elle est certainement une figure éminente de la Belle Époque, et des salons littéraires que Proust fréquentait. On ne peut pas dire qu’elle est l’égérie de Proust, même s’il l’avait manifestement croisée".
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