Alexandre Lemoine – observateurcontinental.fr – ven., 18 fév. 2022
Le mouvement protestataire des routiers canadiens, qui a commencé après le décret du gouvernement Trudeau sur les passeports de Covid obligatoires à partir du 15 janvier pour traverser la frontière américaine, prend de l’ampleur et risque de devenir mondial. La France, l’Espagne, l’Italie, la Belgique, les Pays-Bas, la Lituanie et la République tchèque ont déjà rejoint le mouvement Convoi de la liberté. Les manifestants en UE ont prévu pour le 14 février un rassemblement à Bruxelles, capitale de l’UE.
Les autorités bruxelloises se retrouvent dans une position difficile: l’afflux de milliers de camions, ce n’est plus des « gilets jaunes « , cela ressemble davantage à un assaut de convois de chars. Et le monde semble effectivement être confronté à une expression de la volonté populaire d’un tout nouveau genre. Très bientôt nous saurons pourquoi. Et pour l’instant, force est de constater: le Convoi de la liberté a déjà entraîné une crise gouvernementale au Canada, qui pourrait tout à fait se solder par la démission de Justin Trudeau.
Cependant, les médias mainstream mondiaux s’efforcent d’ignorer ce qui se passe au Canada, ils sont plutôt occupés par « l’agression imminente de Poutine contre l’Ukraine ».
Pendant ce temps, les camionneurs ont bloqué la résidence du gouvernement entamant la construction de renforts et d’une cité résidentielle, alors que les citoyens compatissants ont collecté pour eux plus de 10 millions de dollars sur une plateforme de financement participatif. Le gouvernement Trudeau a rapidement bloqué ce compte. Mais les habitants de la capitale canadienne fournissent tout le nécessaire aux « héros ».
Pour le moment, les exigences officielles du convoi sont simples: l’annulation de la vaccination obligatoire et des passeports vaccinaux. Cependant, tout aussi résonnantes sont les voix qui exigent la démission de Justin Trudeau. Mais les guides du Convoi de la liberté disent que ces revendications ne sont pas encore officielles.
Consciente de l’impossibilité d’une victoire rapide, l’armée de routiers soutenue par le peuple se prépare à une longue campagne d’hiver. Telles sont les réalités actuelles de cette guerre civile de nouveau genre.
C’est effectivement un phénomène nouveau et prometteur. L’heure est venue pour les gouvernements canadien, américain et européens de paniquer. Car ce n’est pas une « révolution orange » avec des méthodes connues et une technologie bien huilée.
Les routiers canadiens et leurs collègues européens ne sont pas soutenus par les partis politiques ou la presse. Leur protestation ne rappelle en rien les moyens spéciaux du Maïdan en Ukraine: seulement une manifestation directe de l’esprit. Uniquement une expression spontanée de la volonté provoquée par une irritation réelle des gens. Mais ce n’est pas l’essentiel. Derrière les protestations se trouve quelque chose de bien plus que l’irritation accumulée en deux ans de confinement. C’est la peur réelle des gens pour leur avenir, qui s’avance inéluctablement et qu’il devient de plus en plus difficile de cacher.
Le monde est au seuil d’une réalité avec un nouvel ordre technologique: la robotique et l’intelligence artificielle qui pourraient dès demain rendre obsolètes 75% des métiers. Et cela affectera un très grand nombre de gens.
Les usines équipées de robots travaillent 24h/24 et ne nécessitent pas de salaires ni d’assurance sociale. Les robots qui écrivent des articles de journaux, qui composent et interprètent de la musique deviennent courants. Aux États-Unis, les robots réalisent déjà un tiers des opérations orthopédiques. Quant aux routiers, seule la crainte face à la cohésion de ce groupe empêche le gouvernement américain de mettre le transport de fret en « pilote automatique » à part entière.
Les médias mainstream et les réseaux sociaux font tout pour empêcher le déchaînement des protestations. Ainsi, Facebook a bloqué le groupe Convoy to DC 2022 avec plus de 130.000 abonnés.
En un mot, ce qui se passe aujourd’hui à Ottawa est une poudrière qui pourrait exploser dans le monde entier. Nous pourrions nous trouver au seuil d’une nouvelle révolution sociale – d’un mouvement mondial dont le potentiel et la force n’ont pas été encore compris par les manifestants ni par les puissants de ce monde. Si aujourd’hui il serait encore possible d’apaiser la protestation des routiers canadiens en faisant des concessions, qu’en serait-il demain quand 75% de la population des États-Unis, du Canada et de l’UE prendront conscience de la perspective de rester sans travail?