N’étant pas du tout fan du genre fantasy, il faut de solides arguments pour parvenir à m’en faire lire un. Prix Nebula du meilleur roman court 2020, prix Locus du meilleur roman court 2021 et finaliste du prix Hugo 2021, « Ring Shout » avait de quoi titiller ma curiosité, surtout qu’il mettait en scènes trois jeunes femmes noires bien décidées à botter le cul du Ku Klux Klan.
« Ring Shout » se déroule en effet en 1922, au moment où les rangs du Ku Klux Klan ne cessent de grossir suite à la sortie du film « Naissance d’une Nation », produit et réalisé par D. W. Griffith en 1915. A Macon, en Géorgie, un petit groupe de résistants mené par Nana Jean, une vieille Gullah, compte cependant leur donner du fil à retordre. Planquées sur un toit, Maryse, Sadie et Chef ont d’ailleurs décidé de tendre un piège à trois de ces monstres qui participent à un défilé du Ku Klux Klan …
J’ai beaucoup aimé le point de départ de ce roman, qui consiste à restituer toute la monstruosité du Ku Klux Klan en transposant cette réalité historique nauséabonde des années 20 dans un univers mêlant fantasy, science-fiction et horreur. Les klanistes ne sont en effet pas seulement constitués de fidèles éblouis par cette idéologie extrémiste, mais comptent parmi eux également quelques véritables monstres nommés Ku Kluxes, des créatures diaboliques et surnaturelles se nourrissant de haine. Ce procédé permettant de donner vie à la monstruosité du Ku Klux Klan fonctionne à merveille !
J’ai également beaucoup aimé le côté très féministe de ce récit porté par des femmes. De Nana Jean, qui fait office de chef de la résistance, à l’irrésistible trio de chasseuses de démons, composé de Sadie, fine gâchette munie de sa Winchester, Chef, l’experte en explosifs, et Maryse Boudreaux, la narratrice pourvue d’une épée magique, les héroïnes de P. Djèlí Clark réduisent leurs homologues masculins de l’époque à des rôles de figurants.
Je dois également souligner le fait que P. Djèlí Clark parvient à créer un univers totalement abouti et parfaitement cohérant en seulement 160 pages, tout en insufflant beaucoup de rythme grâce à de nombreuses scènes d’action. J’ai même adhéré à la plupart des codes du genre fantasy que l’auteur transpose avec brio dans cette Amérique des années 20, allant de l’élue vouée à vaincre le Mal à cette épée magique qui se nourrie de la souffrance et de la colère des âmes des anciens esclaves noirs. J’ai par contre plus de mal avec les « facilités » inhérente au genre, qui consiste à sortir plusieurs lapins blancs du chapeau de l’auteur afin de multiplier les rebondissements. Si les monstres Ku Klux passaient encore, j’ai eu plus de mal à digérer la Grande Cyclope et les Docteurs de la Nuit qui s’invitent à la bataille finale… Faut y aller à petites doses avec moi !
Finalement, malgré le travail de traduction aussi délicat qu’exemplaire de Mathilde Montier, j’ai tout de même eu du mal avec les passages recourant à ce dialecte gullah, issu de cette communauté afro-américaine de Géorgie. Si la réalité et le langage partent en sucette en même temps, je me retrouve totalement perdu !
Bref, n’étant pas du tout adepte du genre, ce roman est tout de même parvenu à me divertir et à me tenir en haleine de la première à la dernière page. S’il ne me laissera pas un souvenir impérissable, je retiendrai tout même le message principal qu’il véhicule : il n’est jamais bon de nourrir la haine !
Ring Shout, P. Djèlí Clark, Atalante, 176 p., 12,90€
Ils en parlent indéniablement mieux que le novice du genre que je suis: Nicolas, Le nocher des livres, Au Pays des Caves Trolls, Sabine, L’épaule d’Orion, Fantasy à la carte, Le chat du Cheshire, Lord Arsenik
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